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ce me semble, été complètement mystifiée ; et je ne puis changer d’avis sur cet homme. Je ne vois en lui qu’un gros orgueil, un petit esprit et une absence totale d’âme, de bienveillance et de sympathie. Enfin je ne puis trouver aucun mérite à devenir à cinquante ans un mauvais écolier en grec : cette dernière bribe de savoir n’a fait que le rendre plus pédant encore qu’il ne l’était, et mettre à découvert la sécheresse incroyable de son imagination. J’aime assez les sauvages, mais dans les bois, hardis chasseurs, guerriers intrépides, et d’une éloquence très souvent supérieure à celle de l’art et des livres ; mais je ne les aime pas poudrés, galonnés et prenant du chocolat.


Mary Clarke à Claude Fauriel


Rome, 12 août 1824.

... Oh ! ces exécrables chansons grecques[1] ont mangé mon sang depuis le commencement jusqu’à la fin, et à présent vous voilà retenu à Milan trois mois, car un de vos mois veut dire trois. Je suis désolée de votre dégoût pour la France, car pour moi Paris seul est mon élément et bien, bien souvent, je soupire après. Je suis si excédée d’être sans amis, sans compagnonnage, n’entendant jamais que des bêtises, ne me nourrissant que de moi-même qui me déplais, que j’irais en Enfer pour trouver avec qui causer. Il est très vrai que partout je trouve des bienveillans, mais que m’importent des gens qui m’ennuient ? Leur gentillesse me plaît un quart d’heure, mais nous n’avons pas d’idées en commun. Je vous en voudrai toute ma vie de tout ce que j’ai souffert en Italie, parce que c’est entièrement votre faute et que je n’y ai jamais eu la plus petite contrariété sans vous en accuser à l’instant même, et sans vous écrire une lettre de sottises que j’ai déchirée le lendemain, pour ne pas vous faire de la peine. Mais si je vous aime moins, n’en accusez que vous.


(A suivre.)

  1. Les Chants populaires de la Grèce moderne (1824). — Ce fut pour travailler à ce recueil que Fauriel, au lieu d’accompagner son amie, s’attarda longuement à Trieste et dans le nord de l’Italie.