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il avait rencontré le général Willot, qui s’était enfui d’Europe après de tristes aventures[1] assez semblables à celles de Pichegru et qui résidait maintenant à Baltimore. Ils avaient examiné ensemble les moyens de faire échec à leur ennemi commun et, en prévision d’événemens qui leur permettraient de franchir les mers pour aller le combattre, ils s’étaient engagés vis-à-vis l’un de l’autre à ne prendre aucun parti sans se prévenir. Mais Moreau, même après son entrevue avec Daschkoff, ne jugea pas que le moment fût venu de prévenir Willot.

En revanche, il considérait comme nécessaire de connaître les sentimens et les intentions de Bernadotte. Il cherchait un moyen de correspondre sûrement avec lui, lorsque à l’improviste, ce moyen se présenta. Un négociant de Philadelphie, David Parish, allait partir pour se rendre en Europe. En rapports d’affaires avec le proscrit, il lui offrit de se charger de ses commissions. L’occasion était sûre, et Moreau n’eut garde de n’en pas profiter. Il écrivit à sa femme pour l’engager plus instamment à quitter la France, à ses frères, à Rapatel et enfin à Bernadotte. Cette lettre au prince royal de Suède, il y attachait un prix particulier, il demanda à David Parish d’aller la porter lui-même à Stockholm, de la remettre en mains propres et de complimenter en même temps le destinataire sur la résolution des Etats de Suède qui lui assurait à brève échéance la couronne suédoise. Déjà, au moment où partait Rapatel, il lui avait confié le même message. Mais il ignorait encore si celui-ci s’en était acquitté.

Dans l’écrit que David Parish emportait pour Bernadotte, les dispositions de Moreau apparaissent avec encore plus de force et de netteté que dans la lettre transmise par Daschkoff à sa cour jet même que dans le mémoire qui l’accompagne, dont il n’est en réalité qu’une répétition[2]. En terminant, Moreau priait Bernadotte de lui répondre au plus vite et, s’il jugeait sa présence nécessaire en Suède, de lui envoyer un navire pour le transporter à Gothenbourg. Mais il ne lui parlait pas des offres

  1. Je les ai racontées dans mon Histoire de l’Émigration, t. II, p. 386 et suivantes et t. III, p. 175 et suivantes.
  2. Cette circonstance et le défaut d’espace me décident à ne pas donner ici cette lettre de Moreau à Bernadotte qui, du reste, est connue au moins en partie. J’en reproduirai le texte intégral dans le volume où sera complétée la présente étude.