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tout. Ces implications, ces complications réciproques des phénomènes sociaux entourent, pour ainsi dire, la vie de l’ouvrier d’une série de cercles qui vont s’élargissant, et qui étendent comme à l’infini le champ des circonstances du travail. De ces complications mêmes résulte, sans que nous puissions guère y échapper, la complexité de notre plan. Je voudrais du moins analyser avec méthode cette réalité compliquée, essayer d’y voir clair et de rendre clair, aussi loin que l’œil, malheureusement trop faible, peut porter, de façon que ce soit la vie et qu’il y ait de l’ordre. En m’efforçant de démêler et de déterminer les circonstances du travail, je voudrais non pas « mettre aux voix, «  comme dit Taine, ni rédiger la constitution du travail (ce serait dérision et vanité), mais me « la figurer, » la découvrir, si elle existe ; et elle existe nécessairement ; non pas la décréter, mais l’exposer ; non pas « organiser » le travail de notre certaine science et puissance, mais prouver qu’il peut, qu’il veut et qu’il doit « s’organiser. »


Un mot encore. Je n’ai nullement caché, et je ne cache nullement que je ne fais pas de l’art pour l’art, mais pour la vie, et que je n’écris pas pour écrire, mais pour agir. A quelque haut prix que j’estime les lettres, bien que je ne leur préfère ni même leur égale rien, je serais fâché de laisser, en ces études, passer une ligne qui pût paraître de la littérature, ne dût-elle pas être ennuyeuse, comme M. Thiers assurait que l’est en soi ce genre décrits. C’est peut-être, par endroits, de la philosophie ; c’est sûrement et partout de la politique : c’est de la philosophie dans la mesure où ce peut être de la politique, en fonction et en vue de la politique. Un maître dont l’avis mérite toujours d’être écouté a bien voulu me faire part de ses scrupules sur la légitimité de la méthode ou du procédé qui consiste à rapprocher si intimement la théorie et la pratique, la doctrine et le métier, la pensée et l’action. Se plaçant tout naturellement au point de vue philosophique (c’est un de nos plus distingués philosophes), et reléguant la politique à un rang inférieur, il tient qu’à les lier de si près, on rabaisse la philosophie, sans que la politique en lire grand profit. J’ai, à mon tour, cherché des argumens pour lui répondre et j’en ai trouvé quelques-uns, mais pas de meilleur que celui-ci. Ou les sciences politiques doivent servir à la pratique de la politique, et alors elles valent d’être