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devait intervenir. Le moment n’était pas encore venu où les causes les plus mauvaises seraient âprement défendues, où les intérêts des nationaux et protégés anglais seraient soutenus contre tout droit, où, grâce aux fautes de ses dirigeans, la Birmanie indépendante allait « tomber comme un fruit mûr » entre les mains de la Grande-Bretagne qui n’aurait qu’à « secouer l’arbre. » Le vice-roi des Indes pressentit que l’opinion publique n’approuverait pas un conflit prématuré. Il estima plus sage de blâmer au moins officiellement le zèle de ses subordonnés et de céder aux représentations du vieux roi. Après une courte captivité à Port Blair, Myngoon fut donc dirigé par Calcutta sur Chunar où il devait être interné dans le Pynyragarut que les souverains de Delhi employaient jadis comme prison royale.

Les précautions contre une évasion ne furent pas moins minutieuses qu’aux Andaman. Pendant deux ans, Myngoon ne cessa de protester contre cette contrainte, affirmant ses intentions pacifiques et réclamant la présence de son frère Myngoon Din qui se trouvait encore à Bhangalpore. On les réunit enfin et la méfiance diminua. Les deux frères habitèrent ensemble à Chunar pendant un an, puis le gouvernement indien ordonna leur transfert sous escorte à Bénarès où ils arrivèrent en 1870.


III

Or, ce n’étaient plus des prisonniers d’Etat que les cipayes conduisaient dans cette ville. Myngoon et son frère se trouvèrent, presque sans transition, traités comme des hôtes de distinction qu’on voulait ménager. Le gouvernement n’avait encore pris au sujet des destinées d’Ava aucune résolution définitive, et les opinions les plus variées se manifestaient dans les conseils du vice-roi. Tandis que le Chief Commissioner de la Birmanie anglaise, poussé par la Chambre de commerce de Rangoon, réclamait l’annexion prochaine du royaume, le ministère anglais préconisait une politique de conciliation et de bon voisinage que la faiblesse de Min Doon rendait possible. Lord Mayo, très hésitant, ne pouvait que réserver l’avenir en laissant au gouvernement de Calcutta les moyens d’intervenir suivant les événemens dans les affaires de Birmanie. La santé déjà chancelante du Roi rendait en effet imminente une orientation nouvelle de la politique anglo-indienne dans le bassin de l’Irraouaddy. Le