Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/728

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ce gros mangeur qu’est le canon à tir rapide. En Allemagne comme en France, ce problème est loin d’être résolu et, tant qu’il ne le sera pas, toute augmentation du nombre de nos canons est une simple façade, un trompe-l’œil.

Ne prenons donc pas l’alarme ; étudions sans retard, mais froidement, le meilleur moyen de remédier à une situation dont il faut sortir. Dans le choix des moyens, on doit tenir compte non seulement des convenances ou des commodités de l’artillerie mais aussi des charges financières : les dépenses consenties doivent donner le rendement maximum. Je me propose, dans cette étude, d’indiquer les moyens d’y parvenir. Mais, auparavant, il me semble utile d’exposer l’évolution technique de l’artillerie, puis l’évolution tactique, résultat des perfectionnemens incessans apportés à l’armement, enfin les lois qui en découlent. Cela me servira de base pour justifier l’organisation qui me semble devoir donner à la France le meilleur outil en vue de la bataille.

Afin de faire comprendre l’évolution de l’artillerie de campagne et les conséquences de cette évolution, il faut remonter jusqu’au temps de l’artillerie lisse. Les canons lançaient alors, avec une vitesse voisine de 500 mètres, des boulets pleins sphériques, dont le poids, suivant le calibre, était de 4, 8 ou 12 livres. Ces boulets, en touchant le sol, exécutaient une série de ricochets et roulaient ensuite assez loin avec une force suffisante pour mettre hors de combat tout le personnel touché. Les portées efficaces extrêmes variaient de 600 à 1 000 mètres : les boulets légers, perdant rapidement leur vitesse, portaient beaucoup moins loin que les lourds.

Cette différence de portée explique les difficultés considérables que rencontra Gribeauval au XVIIIe siècle, lorsqu’il voulut faire disparaître les énormes pièces de 16 et de 24 qui alourdissaient avant lui les colonnes. Renonçant volontairement à la possibilité de tirer à grande distance, il donna aux troupes de la Révolution et de l’Empire cette aptitude manœuvrière qui fit leur succès.

L’artillerie avait donc une faible portée, mais son action s’exerçait en profondeur, grâce aux ricochets.

Outre les boulets, on utilisait la boite à mitraille, cylindre en métal mince rempli de balles. Dans le tir, l’enveloppe se