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essaims de sections ou de compagnies peu vulnérables aux coups.

Est-ce à dire que l’artillerie aura fait beaucoup de mal à l’ennemi ? Vraisemblablement non, car l’infanterie, bien terrée dans ses abris, ne souffre pas beaucoup du feu. Ce qui fait dire : « L’artillerie ne déloge pas une bonne infanterie de ses points d’appui. » Cet aphorisme, vrai aujourd’hui, pourrait être faux demain. Le rôle du canon est moins de détruire que de neutraliser, suivant l’expression de nos jeunes artilleurs. Aussi ne faut -il pas juger de son importance par le taux des pertes qu’il fait subir à l’ennemi. Qu’il le neutralise jusqu’à l’abordage, ensuite la baïonnette travaillera.

On objecte aussi que le choix de l’objectif dans l’attaque décisive est devenu impossible : qu’en raison du front énorme des armées modernes les réserves devront être employées dans la zone où elles auront été amenées au début des opérations. La liberté du commandement, la liberté de manœuvre seraient ainsi amoindries. Il est facile de répondre que la longue durée de la bataille permettra souvent de diriger les réserves au point décisif choisi, même en leur faisant parcourir de grandes distances.

Cependant s’il importe d’agir très vite, s’il s’agit de parer à une surprise de l’ennemi, ou de le surprendre, il est possible que nos corps de réserve, à la vitesse de marche du fantassin, ne paissent arriver en temps opportun. Mais l’industrie ne nous donne-t-elle pas aujourd’hui, par l’automobilisme, les moyens de transporter des troupes d’un bout à l’autre du champ de bataille le plus étendu ? Nous avons 37 000 automobiles de voyageurs et de touristes en France ; il n’en faut pas la moitié pour transporter l’infanterie de deux corps d’armée. Quant à l’artillerie légère, l’emploi de tracteurs permettrait de lui faire suivre son infanterie. L’utilisation intensive de l’automobilisme est de nature à donner aux armées modernes, et bien au delà, les grandes qualités manœuvrières des armées de Napoléon, et aux attaques décisives l’effet de soudaineté, de surprise et de violence qui en fait le succès. Il y a là un fait nouveau susceptible de procurer une incontestable supériorité à l’armée qui en tirera parti hardiment. La France, patrie de l’automobile, n’est-elle pas tout indiquée pour prendre l’avance et pour la conserver ? Si les armes perfectionnées avantagent la défense dans les préliminaires