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part. Je suis profondément triste, depuis bien du temps, de votre indifférence pour moi, qui me paraît plus grande que jamais. Je ne crois pas que vous-même en ayez la conscience, et si je pouvais vous voir un moment seul, ce me serait peut-être un soulagement au moins de vous en demander la raison. Je donnerais tout au monde pour que vous me prouviez que je me trompe, mais rien que le manque d’intérêt que vous prenez à ma santé est quelque chose que je ne puis comprendre. Je suis sûre que vous ne vous doutez pas que j’ai souffert de maux de dents et de tête perpétuels depuis quinze jours, pour la simple raison que vous ne m’avez jamais demandé comment je me portais. J’ai tâché en vain de me persuader que c’est que vous êtes absorbé par votre travail, par votre manque de santé, et je me raisonne et je pleure. Je puis le dire avec vérité, je n’ai pas passé deux jours, presque, depuis votre retour, sans pleurer amèrement. Je vous ai écrit bien des lettres que j’ai supprimées, en me disant le lendemain : A quoi bon ? les plaintes font-elles revenir l’affection ? Enfin, je ne puis passer un deuxième hiver comme le dernier. Au printemps vous étiez changé et j’espérais voir revenir des jours depuis longtemps passés. Il paraîtrait que je me suis trompée. Tâchez, cher ami, sans vous mettre dans un état hostile comme cela est souvent arrivé lorsque j’ai cru avoir à me plaindre de vous, et l’ai fait, de me dire sincèrement si votre ancienne tendresse pour moi est évanouie. Je ne parle pas de l’habitude, d’une certaine amitié qui, je suppose, vous reste : elle ne me suffit pas, et plutôt que de continuer à me tourmenter comme je fais, j’essayerais de prendre un parti qui, quelque horrible qu’il me fût au commencement, me laisserait peut-être plus tard un peu de repos. Si vous n’avez plus pour moi les sentimens d’autrefois, j’attendrais de votre amitié de m’aider à avoir du courage pour le prendre. Je suis constituée de manière à être obligée de me traiter moralement, comme un médecin traiterait un être bien malade à qui il faut donner des remèdes qui peuvent tuer ou guérir. Je suis convaincue d’une chose, et je me le suis dit bien des fois pour apaiser la peine et l’irritation atroce que vous m’avez causée dans ma vie, c’est que vous n’avez jamais compris à quel excès je suis faible et souffrante. Je vous prie de venir demain vendredi à quatre heures pour que j’aie une heure à causer avec vous. Hélas ! que je serais heureuse si je pouvais aller chez vous demander une