Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/883

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les hauts maquignons de la diplomatie européenne. Sous la présidence de Bismarck, c’est le système Metternich qui triomphe ; « les convenances de l’Europe sont le droit ! »

Quand on étudie l’histoire du Congres de Berlin et des négociations qui l’ont précédé ou suivi, on est amené à reconnaître qu’en dépit des formules contraires, l’intention des grandes puissances a bien été d’attribuer la Bosnie et l’Herzégovine à l’Autriche-Hongrie. Dans l’esprit de tous les plénipotentiaires, le « provisoire » qu’ils créaient était bien en réalité du définitif. L’empereur d’Autriche était donc fondé, à son point de vue, à considérer qu’un jour, quand le stage d’expérience que l’Europe lui imposait paraîtrait assez long, la Bosnie et l’Herzégovine entreraient, comme parties intégrantes, dans ses Etats. Des précédens l’y autorisaient : celui, par exemple, de la révolution qui amena, en 1885, la réunion de la Roumélie orientale à la Bulgarie. Aussi peut-on dire que ce qui a étonné et alarmé l’Europe, c’est moins le fait même de l’annexion que la manière dont le baron Æhrenthal l’a réalisée. La coïncidence significative de l’annexion des deux provinces avec la proclamation du prince Ferdinand comme tsar de la Bulgarie indépendante, révélait un dessein prémédité et concerté de modifier le traité de Berlin. En 1871, quand la Russie, profitant de nos désastres, déclara qu’elle ne se considérait plus comme liée par les clauses du traité de Paris relatives à. la Mer-Noire, l’Angleterre exigea la réunion d’une conférence ; le protocole, signé à Londres le 17 janvier 1871, établit, « comme un principe essentiel du droit des gens, qu’aucune puissance ne peut se délier des engagemens d’un traité, ni en modifier les stipulations qu’à la suite de l’assentiment des parties contractantes, au moyen d’une entente amicale. » Malheureusement, cette même Angleterre qui avait posé, en 1871, un principe si sage, fut la plus ardente, en 1885, après la réunion de la Roumélie à la Bulgarie, à faire bon marché des stipulations du traité de Berlin relatives à la Bulgarie, et à demander, par la bouche de son représentant à la conférence des ambassadeurs à Constantinople. sir W. White, que l’on parlât le moins possible du traité de Berlin. « Je crains, lui répondait alors M. de Nélidof, qu’on ne stimule ainsi des espérances qui ne seront pas réalisées et que certaines velléités, qui jusqu’ici n’ont pas osé se faire jour, ne trouvent, dans une pareille attitude des puissances, un encouragement qui ne doit pas leur être