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entre le point de vue autrichien et le point de vue serbe. C’est cette dangereuse antinomie, qui trouble en ce moment toute la politique européenne, qu’il faudrait résoudre ou du moins atténuer. Pourrait-on y parvenir et par quels moyens ?

Et d’abord, il faut espérer que l’on ne suivra pas les détestables erremens du Congrès de Berlin, que les petits Etats intéressés seront entendus à la Conférence, et que l’on ne décidera pas, sans eux, de leurs propres intérêts. Il appartient à la France de défendre une cause si juste.

En second lieu, la Conférence ne s’occupera que des deux points mis en cause par l’initiative de la Bulgarie et de l’Autriche, et ainsi l’Europe ne risquera pas de voir reparaître le jeu des « compensations, » et, sous prétexte de sauvegarder les droits de l’Empire ottoman, d’aboutir à un nouveau partage. Ç’a été l’erreur de M. Isvolski, dans les premiers jours, de rechercher des compensations pour la Russie ; chacun voulut avoir les siennes, et si l’on n’eût mis promptement le holà, la curée de l’Empire ottoman recommençait. La question des Détroits, celle de Crète, pourront faire l’objet d’accords séparés ; il est préférable qu’elles ne soient pas introduites à la Conférence.

Celle-ci s’en tiendra donc aux difficultés soulevées par l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, la déclaration d’indépendance de la Bulgarie et la question des Chemins de fer orientaux. Il pourra être entendu d’avance, entre les principaux intéressés, que la discussion aboutira à la reconnaissance du fait accompli, mais il est impossible d’admettre que la Conférence n’ait pas la faculté d’en délibérer. Le débat actuel entre Pétersbourg et Vienne porte, dit-on, sur le désir de l’Autriche que l’annexion soit considérée comme acquise avant tout débat ; on voudra sans doute se souvenir, au Ballplalz, qu’à la première séance du Congrès de Berlin, Bismarck déposa, sur la table du Congrès, le texte intégral du traité de San Stefano pour être soumis aux critiques et aux amendemens de la haute assemblée.

il est notoire que la Bosnie-Herzégovine ne souhaite pas redevenir turque ; il est certain que l’Autriche n’admettrait pas qu’elle devint serbe ou monténégrine. Elle ne peut donc que rester autrichienne. Mais l’intérêt de l’Autriche-Hongrie, si elle ne veut pas créer sur son flanc méridional « une nouvelle Pologne, » est de lui accorder sans délai un statut constitutionnel avec une certaine autonomie administrative et de lui