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LA MADONE


Rougeurs de flamme, bruits de fer,
Florence est un coin de l’enfer.

Fra Beato, comme on l’appelle,
Pinceau levé, palette en main,
Au blanc pur mêle un pur carmin,
Tout seul, au fond d’une chapelle.

Bruits de fer et rougeurs de feu,
Florence est une insulte à Dieu.

Fra Beato, sur la muraille,
Loin du tapage universel,
Peint une Vierge de missel...
Dieu sourit : Beato travaille.

Incendie et bruits de combats,
Florence est l’enfer d’ici-bas.

Fra Beato, d’une main calme,
Trace, avec un pinceau très fin,
Le nimbe d’or d’un séraphin
Qui tend vers la Vierge une palme.

Florence est un enfer vivant.
Où la mort s’achète et se vend.

Fra Beato sourit à l’ange ;
L’ange, en extase comme lui,
Porte, dans son cœur ébloui.
Le grand amour que rien ne change

Florence est un monde infernal,
Le vivant paradis du mal !

Fra Beato, paisible, achève
son chef-d’œuvre minutieux,
Et ses pleurs d’amour, dans ses yeux.
Resplendissent de son beau rêve.