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impossible à un aéroplane, à un dirigeable, de franchir les Pyrénées ou les Alpes. Comment, sans un accroissement de poids considérable, remédier à cette infirmité qui menace d’interdire à jamais à nos aviateurs la « navigation hauturière, » la seule pour laquelle les tempêtes n’existent pas, ou ne peuvent les affecter, nous ne nous en chargerons pas ; il nous suffit de l’avoir signalée, et nous terminerions peut-être ici cette étude si quelques personnes, que l’Aviation intéresse, ne nous avaient demandé ce que sera, suivant nous, l’aéroplane ou plutôt le volateur des temps futurs. Leur donner satisfaction ne nous tente guère, car c’est bien osé. Osons tout de même ! les faits devraient-ils démontrer la vanité de nos conceptions.

Et d’abord, figurons-nous bien que dans vingt-cinq, dans cinquante ans, au centre de Paris, les gens affairés iront toujours à pied ; qu’il y aura toujours des véhicules terrestres et maritimes de toute sorte, mus par les moteurs les plus divers ; que les transports en grand se feront toujours par paquebots-monstres ou par voies ferrées : que notre aéroplane, notre volateur, coexistant avec des hélicoptères, des ornithoptères, des dirigeables, et même des ballons libres (pour les personnes désireuses d’aller rêver dans les nuages, ou pour les savans curieux d’arracher à l’atmosphère ses derniers secrets), ne fera qu’ajouter à tous les autres un nouveau mode de locomotion, probablement plus rapide. Sa vitesse propre, en effet, sera voisine de 360 kilomètres à l’heure, ce qui lui permettra d’en faire plus de 200 dans les pires conditions atmosphériques, aucune rafale, aucun tourbillon ne pouvant influencer sérieusement la marche et la stabilité d’une pareille masse, pesant peut-être plus de 100 tonnes, à l’intérieur de laquelle se trouveront de 50 à 60 voyageurs et dont il sera facile, du reste, de faire un redoutable engin de destruction. Ses surfaces portantes seront réduites au minimum et, très probablement, on les aura presque supprimées, de sorte que notre volateur présentera l’aspect d’un navire pisciforme, le maître-couple très proche de l’avant, — comme dans le brochet, — navire dont les lignes auront été dessinées par un Weyher quelconque, la partie inférieure de la proue tenant lieu de sustentateur. Et qu’on ne crie pas à l’invraisemblable ! M. Calderara, par un calcul simple, a montré que les destroyers anglais Cobra (430 tonnes, 12 000 chevaux) et Viper (370 tonnes, 12 000 chevaux), d’ailleurs tous les deux naufragés, avaient des