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appréciées comme je le devais, mais j’avais pendant quatre mois comme un tison qui me brûlait la poitrine, et cette intense douleur absorbait toutes mes facultés. C’est ce que je vous aurais exprimé dans ma première lettre, si je n’avais été trop fatiguée en l’écrivant.

Vous n’avez jamais passé tout un été sans m’écrire. Dois-je conclure que vous m’en voulez mortellement ? Dites-moi au moins ce que vous voulez que je fasse ou que j’en pense. J’ai trouvé un grand soulagement à vous traduire, et quoique j’aie parfois une mélancolie extrême, elle est douce et heureuse, comparée à ce que je sentais avant ma maladie ; mais depuis trois ou quatre jours, l’attente d’une lettre de vous m’empêche de rien faire avec attention, et la nuit je rêve que j’ai une lettre et je me réveille toujours au moment de l’ouvrir. Je vous prie, cher ami, de penser avec un peu d’attendrissement à moi. Je vous assure que je n’ai jamais manqué de pitié pour aucune créature vivante. J’accepte tout ce que j’ai souffert en expiation de mes torts envers vous ; ne voulez-vous pas l’accepter aussi ?

Mary Clarke.


Mary Clarke à Claude Fauriel.


Cold Overton, 1er septembre 1832.

Cher ami.

Je vous ai écrit deux lettres depuis que j’ai pu écrire, mais je crains que vous ne les ayez pas reçues, car je les ai adressées à votre rue de Verneuil, et il me semble, — je suis sûre que vous m’eussiez répondu ! M. Mohl a dû vous dire que j’avais eu une fièvre cérébrale. J’ai été pendant deux jours abandonnée du médecin, à ce qu’on m’a dit, car j’étais tantôt en délire, tantôt privée de sentiment. J’avais éprouvé des symptômes à Paris, dans mes longues insomnies, que je ne comprenais pas et qui en étaient les signes précurseurs, je crois. Je crois que l’effort que j’ai fait pour ne pas vous dire adieu m’a aussi fait grand mal, mais je ne puis le regretter ; je n’aurais pas eu la force de résister à dire et à demander des choses que je ne veux point dire. L’idée que vous passeriez l’été avec Mme D... m’était insupportable. Depuis que j’ai été si près de mourir, j’ai pensé qu’il valait mieux que ce fût ainsi. Si vous m’aimiez comme autrefois, vous auriez