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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/168

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LA VISITE


Puisqu’en ton âme aucune espérance n’est morte,
À l’Amour qui voyage ouvre grande ta porte.
Lave la dalle usée afin de recevoir
L’Amour, dont les pieds nus cheminent dans le soir ;
Car c’est le soir que toute angoisse s’exaspère.
Fixe une torche vierge au foyer où ton père
S’est tant de fois assis sur le fruste escabeau,
Et ton visage obscur rayonnera plus beau,
Et l’Amour s’assiéra lui-même devant l’âtre
Pour voir les tremblemens de la flamme folâtre
Aux meubles dont s’écaille et tombe le vernis
Se réfléchir ainsi qu’en des miroirs ternis.
Réserve un digne accueil à cet Hôte éphémère
Dont se hâtent les pas vers la moindre chimère
Dispose sur la table où le doux Voyageur
Accoudera sans doute un front grave et songeur
Le vin, les fruits, le miel et les galettes d’orge.
Tel un pâtre immolant le bélier qu’il égorge,
Sacrifie à ce Dieu, que tous ont adoré,
Ton repos le plus cher, ton bien le plus sacré,
Si tu veux que longtemps sous le toit clos il reste ;
Et, quand l’Amour aura quitté ton seuil agreste.
En quête d’autres cœurs et de nouveaux destins ;
Qu’il aura dispersé de ses doigts enfantins,
Comme une cendre éparse à l’ouragan sonore.
Le peu d’illusions dont tu vivais encore,
Tu sauras, ses regards dans ton rêve ayant lui,
Que la lumière humaine est de l’ombre après lui.


VISION INTIME


Je suis hanté, ce soir, très subtilement douces,
Do chimères dont seul j’ai connu la douceur.
Quelque lointain amour s’évoque en moi, berceur,
Comme germent sur un vieux tronc de jeunes pousses.