Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Seigneur, le temple est-il désert, l’infini vide ?
L’éternité, qui siècle à siècle se dévide,
N’est-elle qu’une forme obscure du néant ?

Et pourquoi, sans atteindre à vos clartés trop hautes,
Retourné-je avili de lèpres et de fautes
Vers vous qui m’aviez fait si pur en me créant ?


ÉGAREMENT


Je sais bien que je passe à côté du bonheur ;
Que, perdu dans la foule innombrable, un cœur vierge,
Qui s’émeut sous la soie ou qui bat sous la serge,
Loin de moi, chasserait le vice empoisonneur.

Mais un lâche désir au charme suborneur
Lentement sous ses flots perfides me submerge,
Et ma foi tremble ainsi qu’une flamme de cierge
Vacille au vent fatal qui souffle d’Elseneur.

Je sais bien qu’attendrie une femme divine
Plaint mon angoisse et dans mes yeux graves devine
Les anciennes douleurs faites de rêves morts ;

Mais c’est la destinée étrange qui m’attire
De puiser de l’oubli jusque dans mes remords
Et de la volupté jusque dans mon martyre.


POUR UNE OMBRE CHÈRE


Mon âme se consume ardemment chaque jour,
Et tous mes vers épars n’en sont que la fumée.
Venez recueillir l’âme ici-bas consumée,
vous pour qui je meurs d’inoubliable amour.

Vous m’êtes apparue et je vous ai bénie,
Candide vision, dans un songe si beau
Qu’il s’épanouissait au delà du tombeau,
Où la lumière est faite avec de l’harmonie.