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la présomption attachée au témoignage de la fille-mère, c’est qu’elle se préoccupait de lui assurer tout de suite des ressources, et elle s’en préoccupait, non seulement pour éviter une charge à la paroisse, mais plus encore pour ôter à la mère naturelle l’une des raisons qui pouvaient la pousser à se défaire de son enfant.

On redoute la clandestinité de la grossesse et de l’accouchement par la même raison qu’on favorise la recherche de la paternité. La femme qui dissimule sa maternité, qui ne fait pas connaître sa grossesse, qui ne la fait pas constater par témoins, ainsi que l’issue heureuse ou funeste de ses couches, est réputée, si son enfant meurt, coupable d’infanticide et, en conséquence, punie de mort. Les municipalités enjoignent aux sages-femmes de leur signaler les grossesses des femmes non mariées auxquelles elles sont appelées à donner leurs soins, de ne leur donner ces soins qu’avec leur autorisation, d’obtenir d’elles, au moment de l’accouchement, le nom du père.

Le baptême ne se conçoit guère sans parrain et sans marraine, et cependant il y avait bien des enfans auxquels ils manquaient, comme leur manquait aussi un père reconnu. C’étaient généralement les mêmes, de sorte que la parenté spirituelle faisait justement défaut à ceux qui se trouvaient déjà privés de la parenté légale. En revanche, pour ceux qui bénéficiaient de la première, il y avait parfois un peu d’excès, eu égard, du moins, aux obstacles qu’elle mettait au mariage. En 1546, Anna Furie eut cinq parrains et trois marraines. Généralement leur nombre ne dépassait pas un parrain et une marraine ou deux patrons et une patronne spirituels pour un garçon, deux patrons et une patronne pour une fille. On faisait quelquefois une classification dans les uns et dans les autres, on distinguait les grands et les petits compères, les principales et les petites marraines.

L’initiation à une religion qui ne distingue pas entre ses enfans était envisagée comme une occasion d’attester cette fraternité chrétienne. Ceux qui occupaient un rang élevé dans la société se prêtaient volontiers à tenir sur les fonts des nouveau-nés de la classe la plus humble, alors surtout qu’ils appartenaient à la famille de leurs serviteurs, de leurs tenanciers. Il n’y a là rien que de très naturel. Ce qui est plus digne de remarque, parce qu’il faut y voir un indice de l’égalité de mœurs que l’on rencontre souvent dans les sociétés hiérarchisées, de la facilité