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romanesques que les récits, tirés des poèmes d’aventures qu’elle a entendus de sa bouche, ont éveillés prématurément chez elle, et la seconde s’excuse par l’usage constant de ses pareilles de distraire de cette façon les heures d’insomnie des fillettes qui leur sont confiées. Pendant leur bas âge, les enfans étaient plus souvent avec des mercenaires qu’avec leurs parens. Aussi, en fondant, en 1634, une congrégation destinée à l’instruction des pauvres filles qui se proposaient d’entrer en condition. Barbe Martin, veuve de Nicolas Colbert, seigneur de Magneux-les-Fismes, avait-elle songé surtout à l’intérêt des enfans en bas âge à se trouver en rapport avec des servantes bien élevées.

Il y avait une chose qu’on ne croyait pas pouvoir commencer trop tôt à apprendre à l’enfant, c’était les bonnes manières. La petite fille n’avait pas encore accompli sa cinquième année qu’on lui faisait répéter les formules de politesse qu’elle devait employer pour parler à sa mère et elle était durement châtiée lorsqu’elle y manquait. C’est à Erasme, c’est-à-dire à une autorité bien antérieure à l’époque qui nous occupe, que nous empruntons ce fait, mais on sait combien se conservent les traditions et les formes du savoir vivre. Ce fut précisément Erasme qui les codifia, en 1530, dans son traité De civilitate morum puerilium, les popularisa et les imposa, par la vogue extraordinaire de son manuel, aux manuels suivans tels que ceux de Mathurin Cordier et de J.-B. de la Salle. Le grand antiquaire de Rotterdam est donc indirectement le père de tous les guides de civilité puérile et honnête qui ont paru jusqu’au temps qui nous intéresse inclusivement et, si ces guides n’ont fait que reproduire ses préceptes, c’est qu’ils étaient toujours observés, toujours considérés du moins comme les meilleurs.

Ce qui, dans ce code des bienséances, regarde les soins de la toilette, est si peu de chose qu’il n’y a pas à s’y arrêter. La tenue de l’enfant à table mérite, au contraire, d’être remarquée. Il mange au bout de la table tête nue, à la différence des grandes personnes qui sont couvertes, et il y garde le silence. Il ne s’y assoit que quand on le lui a commandé et n’y reste pas jusqu’à la fin. Quand il a suffisamment mangé, il ôte son assiette et s’en va après avoir fait une révérence à celui des convives qui occupe le rang social le plus honorable. Jusqu’à dix ans, il se retire dans sa chambre à sept heures du soir.

Mais elle était encore soumise à ces règles du savoir vivre