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pratique du ménage et du monde. Sortons maintenant des cabinets des savans, interrogeons un homme d’action qui fut en même temps un homme cultivé. Tout en admirant les femmes de son siècle qui se sont fait une réputation par leur savoir, Agrippa d’Aubigné déclare à ses filles, qui l’ont consulté sur la question, qu’une instruction extraordinaire a, pour les filles de la classe moyenne à laquelle il appartient, plus d’inconvéniens que d’avantages ; que les devoirs de la vie conjugale et de la maternité en font perdre le fruit, car, comme il le dit avec grâce, « quand le rossignol a des petits, il ne chante plus ; » qu’elle rend vaine, fait dédaigner le ménage et le mari, rougir de la pauvreté et introduit la discorde dans l’intérieur. Il conclut que la haute culture doit être réservée aux princesses qui ont à gouverner les hommes, par exemple à une reine comme Elisabeth d’Angleterre. Concluons donc, à notre tour, que, si l’influence de la Renaissance, à la Cour d’abord et ensuite dans un certain nombre de centres intellectuels, multiplia les femmes instruites et même d’une instruction raffinée, la cause de l’instruction féminine, d’une instruction étendue et solide, ne triompha pas assez, au XVIe siècle, de préventions enracinées pour modifier le caractère et le niveau de l’éducation des filles de la bourgeoisie et de la noblesse.

Quant à l’instruction populaire, on a lieu de croire qu’elle fut, dans la première moitié de cette période, très répandue. « Tout le monde, si pauvre qu’il soit, apprend à lire et à écrire, nous dit l’ambassadeur vénitien, Marino Giustiniano, en 1535. Les patronnes, les maîtresses de maison qui prenaient des petites filles en apprentissage ou pour leur service domestique, s’engageaient à les envoyer à l’école. C’est aussi à la première moitié du XVIe siècle, c’est à l’année 1520 qu’appartient un statut organique de l’enseignement primaire à Rouen et dans le diocèse qui a pour auteur le cardinal archevêque, Georges d’Amboise, et qui fut confirmé, en 1641, par son successeur, François de Harlay. On y voit qu’il y avait alors, dans cette région, des écoles de garçons et des écoles de filles. Les maîtres pouvaient bien enseigner les filles, mais séparées des garçons, dans des écoles différentes dont la distance est même déterminée. C’était, d’ailleurs, à la condition d’être mariés à des maîtresses brevetées. Maîtres et maîtresses passaient par conséquent des examens. L’enseignement de l’écriture et de l’arithmétique était