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apprenant la tenue des comptes d’une maison, la gestion d’une propriété rurale, la façon de traiter avec les fournisseurs, les fermiers et les ouvriers, au genre de vie auquel elles étaient appelées par leur naissance et leur condition. Quand la famille se séparait d’une fille et l’envoyait dans un couvent un peu éloigné, elle se substituait, dans ses soins et sa surveillance, une correspondante. L’éducation des pensionnats qui étaient tenus par de vieilles filles ou des veuves ne différait pas, comme esprit, comme programme et comme méthode, de celle des établissemens religieux. Ni ceux de ces établissemens qui prenaient des pensionnaires pour un but pédagogique, ni les pensionnats laïques n’étaient assez nombreux pour répondre aux besoins, car on voit les familles catholiques de Bordeaux confier leurs enfans à des maîtresses protestantes.

Nous finirons par l’éducation de famille. Moins que toute autre, à cause de la diversité que lui faisaient subir les circonstances de classe, de milieu, de situation, elle ne présente des conditions uniformes. À ces particularités il faut ajouter le caractère du père et de la mère, l’idée que l’un et l’autre se faisaient de l’éducation. Entre une mère comme la veuve du médecin de Henri IV, André du Laurens, ayant toujours la main leste pour punir chez ses filles un mensonge, une grossièreté envers une servante, ou même le simple fait de ne pas tenir les yeux baissés en marchant dans la rue devant elle, entre une mère qui ne passe rien et un père indulgent comme Montaigne, parce qu’ici comme toujours il se pique de suivre la bonne loi naturelle, il y a place pour bien des tempéramens. Il faut en croire la mère Marie-Angélique quand elle écrit que « les enfans du monde qui ont des mères bien sages ne parlent jamais devant elles que très bas et sont toujours dans la chambre de leur mère, » mais on peut, au contraire, attribuer à son rigorisme janséniste ce qu’elle dit « de la mollesse et du relâchement où sont à présent nourries les filles chrétiennes. » Si le plus souvent elle ne pouvait se passer ni des leçons des pédagogues de profession, ni de la surveillance des gouvernantes, la supériorité de l’éducation maternelle n’en était pas moins pleinement reconnue. « Il serait à souhaiter, dit Claude Joly, chantre de Notre-Dame de Paris et directeur des petites écoles, que, quand une fille commence à raisonner, sa mère lui servît de maîtresse… Si une mère ne peut pas enseigner elle-même