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prime-sautière, généreuse, mais moqueuse et coquette, de symboliser la race brillante et légère dont, grâce à la mésalliance de son père, le sang coulait dans ses veines.

Écrite par un Anglais, M. Wilkins[1], la douloureuse histoire de Sophie-Dorothée est passionnante comme un roman. Son biographe a pour elle le dévouement d’un chevalier servant, doublé du sens critique d’un historien. Il a le souci d’éclaircir, à travers les ténèbres dont on l’a volontairement entourée, l’histoire de son héroïne. L’épisode de ses relations avec Königsmark, le point culminant et tragique de sa vie, est longtemps resté obscur ; notre historien a, le premier, exhumé, des archives de l’Université de Lund en Suède, une correspondance échangée entre la princesse de Hanovre et le gentilhomme suédois[2]. Ces missives ardentes, échouées dans l’atmosphère silencieuse de l’Université Scandinave, vibrent encore de la passion qui les a dictées.

En 1649, l’ancienne maison de Brunswick-Lunebourg[3] était représentée par quatre frères : Christian-Louis, Georges-Guillaume, Jean-Frédéric et Ernest-Auguste. Christian-Louis et Jean-Frédéric moururent sans postérité ; les possessions, l’influence et la fortune considérable de la maison se trouvèrent alors réunies entre les mains de Georges-Guillaume, duc de Celle et d’Ernest-Auguste, duc, puis électeur de Hanovre.

Ce dernier se maria en 1658 et contracta une alliance illustre, sinon riche, qui devait dans la suite apporter à son fils aîné le splendide héritage du trône d’Angleterre. Il épousa Sophie, fille du prince Palatin, roi de Bohême[4], et d’Elisabeth Stuart, fille de Jacques Ier, roi de Grande-Bretagne. Sophie n’avait pas le charme prenant de sa mère, cette Elisabeth surnommée la « Reine des cœurs ; » elle était intelligente et énergique, sceptique et ambitieuse. Elle ne se maria qu’à vingt-neuf ans ; sa

  1. The love of an uncrowned Queen Sophie Dorothea, consort of George I and her correspondence with Philip Christopher, Count Königsmark, by W. H. Wilkins, Longmans, Green et C°, London.
  2. Une copie de cette correspondance existe dans le British Museum, mais n’a jamais été publiée. Un professeur suédois, M. Palmblad, en donna quelques extraits dans un livre paru en 1853, et qui est depuis longtemps épuisé.
  3. La famille de Brunswick descend d’Henri le Lion, duc de Saxe et de Bavière ; les quatre frères dont il est ici question étaient les fils de Frédéric, duc de Brunswick-Lunebourg, mort en 1649.
  4. Le prince palatin, Charles-Louis, frère de la duchesse Sophie, fut le père d’Élisabeth-Charlotte, Duchesse d’Orléans, « la Palatine » de la cour de Louis XIV.