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et séditieuses, ourdissant enfin contre l’évêque, impassible et serein dans toute cette levée du lutrin et de la chicane, le plus ingénieux des complots.

Les mauvais prêtres du diocèse, et plus encore les moines : jacobins de Quillan, augustins de Caudiez, capucins de Limoux et de Chalabre, étaient pour M. de l’Estang des alliés naturels. Les premiers ne pouvaient pardonner à M. d’Alet ses représentations et ses justes rigueurs. C’était, par exemple, le curé de Bézu, le sieur Areen, qui vivait scandaleusement avec une de ses paroissiennes, dont il avait chassé le mari, et que l’évêque avait condamné à une pénitence de deux ans dans un monastère. C’était le vicaire de Roux, incestueux et larron ; c’était le curé de Quillan qui, obligé d’entretenir des vicaires pour le service des trois annexes de sa paroisse, préférait prendre pour lui tout seul les fruits de sa cure, et laissait, pour mieux s’en débarrasser, mourir ses trois vicaires de faim ; c’étaient enfin tous leurs pareils du clergé séculier. Les autres, les moines, étaient encore plus acharnés ; car ils haïssaient l’évêque de toute l’ardeur de leur avidité mendiante et de leur religion intéressée. Pavillon ne s’était-il pas avisé, après bien des années de patience et de longanimité, de leur interdire de prêcher et de confesser dans le diocèse, parce que leurs confessions étaient de pure forme et leurs sermons des déclamations furibondes contre les séculiers trop austères et trop zélés ? Ne s’était-il pas surtout avisé d’interdire aux capucins de Limoux et de Chalabre de quêter dans le diocèse d’Alet parce que, comme leurs frères, les réguliers de Caudiez et de Quillan, ils ne voyaient dans la religion qu’un scandaleux trafic, et dans leur habit monastique qu’un moyen de battre monnaie ?

Mais à ces haines de prêtres et de moines M. de l’Estang, esprit exalté, vaniteux et cependant habile, sut joindre les rancunes qui s’étaient depuis longtemps amassées dans les cœurs féroces des hobereaux du diocèse, gênés dans leur brutalité par le zèle chrétien de l’évêque. Pénétré en effet dans sa fierté épiscopale des principes de l’égalité évangélique, Pavillon pensait et disait volontiers que « ce n’était ni le rang, ni la naissance, mais la vertu et la régularité des mœurs qui discernait les chrétiens, et qu’un gentilhomme devait être soumis aux règles de l’Eglise, comme le dernier de ses vassaux. » Or c’étaient là des sentimens que ne pouvait accepter aisément cette féodalité