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en la sénéchaussée, l’autre receveur des tailles du diocèse d’Alet ; car le territoire de Limoux, quoique dépendant, pour le spirituel, de l’archevêché de Narbonne, faisait partie, pour le temporel, du diocèse d’Alet, de sorte qu’il n’y avait pour les deux territoires qu’une seule assiette. Ils volaient le diocèse de deux façons. Tenant par prête-noms la ferme des étapes dans le diocèse d’Alet et de Limoux, en ce temps de guerres incessantes sur la frontière catalane, ils s’entendaient avec les étapiers pour grossir démesurément le chiffre des dépenses faites par les troupes dans les villages du diocèse, et ils passaient en compte aux Etats de Languedoc, qui fermaient les yeux, des sommes imaginaires qu’ils gardaient ensuite pour eux, sans indemniser les habitans des villages de leurs fournitures et de leurs frais. D’autre part, ils s’étaient rendus maîtres de l’assiette, qui se tenait à Limoux. Le juge mage, qui avait, à dessein et pour ne pas la manquer, payé sa charge le double de sa valeur, étant de par sa fonction commissaire ordinaire de l’assiette, y portait le résultat des délibérations tout dressé. Appuyés par les représentans de Limoux qu’ils avaient gagnés eu rejetant sur Alet la plus grande partie des impositions et par nos gentilshommes et leurs créatures, les consuls des communautés rurales, dont le silence et la connivence avaient été achetés, nos deux larrons faisaient alors approuver leurs états d’impositions vexatoires et frauduleux à la majorité des suffrages. Dès l’assemblée de 1641, Pavillon s’était aperçu de ces subterfuges et de ces friponneries. Il avait fait décider « qu’en toutes assemblées du diocèse le seigneur évêque d’Alet serait appelé, ou le vicaire général en son absence, » et, dès 1643, il avait demandé aux Etats « que les six consuls de Limoux n’eussent dans l’assiette qu’une voix unique. » Les Etats ayant fait la sourde oreille. Pavillon s’abstint pendant dix ans d’y retourner ; mais, en 1655, l’iniquité criant plus fort, il s’engagea tout entier dans cette lutte contre les frères Aosthène, qui allait être une des grandes préoccupations de sa vie épiscopale et qui, malgré un succès apparent venu après de longs et pénibles efforts, ne devait jamais aboutir à un plein triomphe.

Les frères Aosthène s’étaient fait cette année-là allouer dix mille écus pour le payement des dépenses que les troupes avaient faites l’année précédente dans le pays de Sault. Pavillon, qui s’était procuré les apostilles des comptes préparés par les étapiers, constata que la demande était exagérée, et comprenant d’ailleurs