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importantes de toute l’histoire de l’art italien, cette exécution n’est cependant que la suite d’un acte non moins mémorable accompli, deux siècles auparavant, par le « Pauvre d’Assise, » dans des circonstances que son dernier biographe nous raconte ainsi :


Depuis son voyage en Terre Sainte et sa visite à Bethléem, François avait toujours eu un amour particulier pour la fête de Noël. Une certaine année, cette fête était tombée un vendredi, et l’un des frères avait proposé que, pour ce motif, on s’abstînt de viande au repas de Noël. Mais François s’était écrié : « Lorsque c’est Noël, il n’y a point de vendredi !... » Et souvent il disait, à ce propos : « Si je connaissais l’empereur, je lui demanderais que, ce jour-là, il fût enjoint à tous de répandre du grain pour les oiseaux, et notamment pour nos sœurs les hirondelles ; et que chacun qui a des bêtes dans son étable, par amour pour l’Enfant-Jésus né dans une crèche, eût à leur donner, ce jour-là, une nourriture exceptionnellement abondante et bonne. Et je voudrais que ce jour-là les riches reçussent à leur table tous les pauvres ! »

Or, l’année 1223, il fut donné à François de fêter la Noël d’une façon dont, jamais encore, le monde n’avait connu d’équivalent. Le saint avait, au village de Greccio, un ami et bienfaiteur, messire Jean Vellita, qui lui avait fait cadeau, ainsi qu’à ses frères, d’un rocher planté d’arbres, en face de la ville, pour qu’ils pussent s’y établir. François fit donc venir cet homme à Fonte-Colombo, et. lui dit : « Je désire célébrer avec toi la sainte nuit de Noël : et écoute un peu l’idée qui m’est venue ! Au fond du bois, auprès de notre ermitage, il y a une grotte creusée dans le rocher : vas-y, avec un de tes hommes, et fais en sorte d’y installer une crèche remplie de foin ! Et il faudra aussi qu’un bœuf et un âne se trouvent là, tout à fait comme à Bethléem. Car je veux, au moins une fois, fêter pour de bon l’arrivée du fils de Dieu sur la terre, et voir, de mes propres yeux, combien il a voulu être pauvre et misérable, lorsqu’il est né par amour pour nous ! »

Jean Vellita prépara toutes choses d’après le désir de saint François, et dans la nuit sainte, vers minuit, les frères arrivèrent de Fonte-Colombo, et tous les habitans de la région accoururent en foule, pour assister à cette fête de Noël. Tous portaient des torches allumées, et, autour de la grotte, se tenaient les frères avec leurs cierges : de telle sorte que le bois était tout clair, comme en plein jour, sous la voûte sombre des rochers. La messe fut lue au-dessus de la crèche qui servait d’autel : afin que l’Enfant céleste, sous les formes du pain et du vin, fût présent en personne là, comme il l’avait été dans la crèche de Bethléem. Et voici que, tout à coup, Jean Vellita eut l’impression très nette qu’il voyait un véritable enfant étendu dans la crèche, mais comme endormi ou mort ! Et voici que le frère François s’approcha de cet enfant et le prit tendrement dans ses bras, et que l’enfant s’éveilla, sourit au frère François, et, de ses petites mains, caressa ses joues semées de barbe et le bord de sa robe ! Apparition qui, d’ailleurs, n’étonna nullement messire Vellita. Car Jésus avait semblé mort, ou tout au moins avait dormi, dans bien des cœurs où le frère François était parvenu à le réveiller !... Et ce n’est que très tard que s’acheva