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instructions concertées entre les membres compétens du Cabinet précédent ; elles s’inspiraient, naturellement, de la pensée qui avait décidé l’expédition elle-même : « Au mois de septembre dernier, disaient ces instructions, vous avez soumis à mon prédécesseur le plan d’une mission que vous vous offrez à remplir dans le Haut-Oubanghi en vue d’étendre l’influence française jusqu’au Nil… M. Liotard a fait connaître que nous étions, au mois d’août dernier, établis beaucoup plus solidement que ne pouvait le penser le pouvoir central sur la rive droite du M’Bomou… et qu’il avait l’intention de pousser en avant ses alliés indigènes qui lui offraient de nous installer à Ziber qui est la clef du Bahr-El-Ghazal… Votre rôle sera donc particulièrement délicat : d’une part, nous ne pouvons ni ne devons cesser nos bonnes relations avec le Sultan ; de l’autre, si nous voulons avoir chance de devancer le colonel Colville sur le Nil, il faut aller de l’avant et, pour ce faire, ménager les Madhistes. »

En droit, ce programme n’avait rien de contradictoire avec la situation établie par la conversation Courcel-Kimberley ; en fait, si la mission Colville opérait par l’Afrique orientale, l’expédition par l’Egypte n’en était encore qu’à ses prémisses ; on prévoyait les plus sérieux obstacles à sa réalisation ; on croyait pouvoir lui enlever l’usage des finances égyptiennes et il était impossible de prévoir, dès lors, la construction de la voie ferrée qui, franchissant le désert des cataractes, fut, par la suite, l’instrument de la victoire sur le Mahdisme.

Quoi qu’il en soit, la mission Marchand étant décidée, et déjà partie, la question qui se posait devant le Cabinet Méline était de savoir s’il fallait la laisser continuer ou lui donner contre-ordre.

Le Cabinet Méline avait-il même le choix ? Les choses étant engagées comme elles l’étaient, personne en France eût-il admis un pareil recul ? Le parti colonial, alors si ardent, eût-il supporté l’idée de renoncer, en vue d’une complication lointaine et peut-être imaginaire, aux espoirs que lui avait fait concevoir le choix de l’énergique capitaine ?

La décision n’avait été nullement secrète, quoi qu’on en ait dit (beaucoup moins « clandestine » que celle du colonel Colville qui resta toujours mystérieuse), et aucune protestation nouvelle ne s’était produite. Enfin, les déclarations les plus formelles du gouvernement de la Reine, au sujet de l’expédition en voie de