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CELLES QUI TRAVAILLENT Á DOMICILE

Depuis quelques années l’opinion publique s’est émue de la condition des ouvrières qui travaillent à domicile. Il y a quelque trente ou quarante ans, c’était au contraire la condition des ouvrières travaillant en atelier ou en usine dont on se préoccupait. On s’indignait que l’épouse, que la mère pût être arrachée à son foyer, à ses enfans pour être envoyée au bagne. On s’indignait même que la femme, mariée ou non, travaillât, et Jules Simon faisait écho à Michelet s’écriant que le mot Ouvrière était un mot barbare et impie. Certains théoriciens voulaient même interdire le travail à la femme hors de son domicile. Puis, peu à peu, on s’est aperçu que le travail de la femme à l’atelier ou à l’usine, qui entraîne assurément des inconvéniens, présente aussi ses avantages ; qu’il est mieux payé, plus régulier, souvent plus hygiénique, et que le travail à domicile, assurément préférable en théorie, comporte au contraire de nombreux inconvéniens dont le moindre n’est pas que les salaires payés à l’ouvrière travaillant à domicile sont souvent dérisoires. L’opinion publique s’est alors émue de ces salaires qui lui ont été révélés et qu’elle a flétris d’une expression énergique traduite de la langue anglaise : salaires de famine : starvation wages. Cette émotion, entretenue par des publications nombreuses, par des expositions, par des congrès, est devenue si grande qu’on rencontre aujourd’hui certains théoriciens, — ce sont peut-être les mêmes, — qui voudraient interdire à la femme le travail à domicile. Ces fluctuations de l’opinion montrent