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rencontre dans l’industrie de la lingerie à domicile, ne sont donc qu’une exception, exception trop étendue sans doute et trop fréquente : mais si l’on ne saurait éprouver trop de compassion pour les victimes de cette exception, il ne faudrait pas cependant généraliser leur cas douloureux ni s’efforcer de persuader à toutes les ouvrières, comme le faisait naguère certaine affiche rédigée à très bonne intention, mais que je lisais cependant à regret : « qu’elles sont l’objet d’une exploitation éhontée. » Dépouillons maintenant le dossier de l’enquête, et, avant d’entrer dans le détail, mettons d’abord en lumière quelques constatations générales.


II

La première de ces constatations, c’est que le travail à domicile tend à diminuer dans l’industrie de la lingerie, à Paris du moins. Autrefois, on s’en serait désolé ou indigné. On est plutôt tenté de s’en réjouir aujourd’hui. À cette diminution du travail à domicile, il y a deux raisons. La première, c’est que, grâce aux progrès réalisés par l’industrie de la machine, certaines pièces qui, autrefois, étaient confectionnées exclusivement à domicile se confectionnent aujourd’hui de plus en plus en atelier. Ainsi par exemple les boutonnières. On a fait grand bruit, il y a quelques années, d’un orphelinat où l’on n’aurait appris aux jeunes filles qu’à faire des boutonnières. La boutonnière étant, dans la chemise d’homme ou la chemisette de femme, la partie la plus difficile à faire, c’est absolument comme si l’on disait que dans un établissement d’éducation on apprend exclusivement aux jeunes gens à faire des discours latins, sans leur avoir appris, au préalable, les règles de la grammaire. Mais cet orphelinat, si tant est qu’il ait jamais existé, n’aurait plus de raison d’être aujourd’hui, la boutonnière, grâce à une ingénieuse machine, se faisant de plus en plus en atelier. Il en est de même d’un certain nombre d’autres pièces, et de ce chef, le travail à domicile tend et tendra de plus en plus à diminuer.

Il diminue encore pour une autre raison. C’est que les fabricans en gros et les grands magasins, tentés par le bon marché de la main-d’œuvre, envoient de plus en plus de l’ouvrage à faire en province, soit à domicile, soit en atelier. De cela, il faut plutôt se réjouir. D’une part, le travail à domicile