même d’injures, et que, dans certaines gravures suggestives, on représente tantôt comme une araignée qui prend des mouches dans ses toiles, tantôt comme une sangsue. L’enquête a démontré que tel n’était point habituellement son rôle. En tout cas la suppression des entrepreneuses est-elle possible ? Est-elle même désirable ? Elle n’est pas possible dans l’industrie de la lingerie. Les grandes maisons de lingerie auront toujours besoin, à côté du personnel fixe qu’elles font travailler en atelier et qui suffit aux commandes régulières, d’un personnel flottant entre lequel il faut pouvoir répartir rapidement les commandes irrégulières et supplémentaires dont elles ne peuvent prévoir la quantité. L’entrepreneuse est l’intermédiaire nécessaire entre le grand patron et ce personnel dispersé, mobile, changeant dans une ville comme Paris, que le patron ne peut pas connaître et atteindre directement. L’entrepreneuse apporte le travail à ce personnel, comme les vaisseaux capillaires apportent le sang dans toutes les parties du corps. Supprimer l’entreprise, ce serait supprimer les vaisseaux capillaires. On ne saurait opérer brutalement cette suppression sans apporter dans l’industrie de la lingerie une perturbation dangereuse, non plus que dans beaucoup d’autres. Il faut toute l’imprévoyance d’un ministre socialiste du Travail et de la Prévoyance pour concevoir une pensée pareille, si tant est que le projet déposé par lui pour interdire le marchandage, projet que le vague de ses définitions rend très difficile à comprendre, interdise aussi l’entreprise dans les industries féminines.
Cette suppression impossible n’est pas non plus désirable. De même que, dans les industries masculines, le tâcheron qui fait travailler un certain nombre d’ouvriers au-dessous des prix fixés par le patron, arrive souvent à devenir patron lui-même, de même l’entrepreneuse, dans les industries du vêtement, après avoir débuté comme simple ouvrière arrive souvent à devenir petite patronne. C’est là un des moyens, une des formes de ces lentes ascensions sociales qui sont si fréquentes dans les sociétés démocratiques et dont ceux qui rêvent la suppression du salariat devraient se réjouir.
Si l’entrepreneuse, c’est-à-dire l’intermédiaire entre les grands patrons et les ouvrières, ne peut être supprimée, peut-elle être remplacée ? Peut-on trouver un intermédiaire désintéressé qui ne chercherait à prélever aucun bénéfice et qui