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que dans les autres pays d’Orient... Deux ou trois pièces obscures et sans air se groupent, d’ordinaire, autour d’un vestibule non moins obscur. Le plâtre des murs s’écaille, et, des lattes vermoulues du plafond, tombent constamment sur le sol des débris de bois pourri, des parcelles de chaux ou des coulées de sable et de mortier. Les nattes qui tapissent ce réduit sont infestées d’une vermine nombreuse parmi laquelle les punaises immobiles font comme de petites éclaboussures jaunâtres. Et l’agitation de tous ces insectes invisibles imprime aux pailles des nattes une sorte de frémissement étrange et continu. Les chambres où l’on couche ont, pour tout mobilier, ces mêmes nattes cousues de puces et de punaises, et, dans un renfoncement, une pile de matelas aux étoiles criardes et malpropres. Une des chambres sert en même temps de salle à manger et de cuisine. Le mobilier y est presque aussi sommaire que dans les précédentes. Sur une planche fixée au mur à hauteur d’appui, quelques marmites arabes avec leurs couvercles en chapeau chinois, le tout détamé, maculé et vert-de-grisé. Dans un coin, un ou deux réchauds en terre, quelques assiettes creuses, une gargoulette, une paire de plateaux de cuivre ou de paille tressée, un coffre rempli de vieux croûtons. Plus loin, des baquets emboîtés l’un dans l’autre et juchés sur des bûches, au milieu d’une débandade de tamis, de passoires et de pincettes... Quelque chose de pis que ce désordre et cette incurie, c’est l’odeur nauséabonde qui remplit toutes les pièces et semble se dégager des murs, du sol, du plafond, des meubles. En réalité, tout y contribue et les habitans eux-mêmes plus que tout le reste. Il n’y a point d’eau dans ces maisons populaires : ce sont les outres en peau de buffle du sakka (le porteur d’eau) qui les approvisionnent, avec quelle parcimonie, on le devine. Et, comme les rues n’ont pas d’égouts[1], que tout ce qu’on y jette y pourrit et s’y dessèche doucement au soleil, l’infection du dehors est, pour les malheureux hôtes de ces quartiers, aussi véhémente et aussi dangereuse que celle du dedans.

En Syrie et en Palestine, surtout dans les milieux chrétiens, l’habitation s’améliore sensiblement et tend à se rapprocher de l’habitation européenne. Quand on traverse un village

  1. Le conseil des ministres égyptiens vient seulement de sanctionner un projet d’égouts pour la ville du Caire. Les travaux de canalisation qui vont commencer ne seront achevés que dans dix ans, en 1918.