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nécessités urgentes, il n’était pas très éloigné de voir, dans le rappel du parlement, une satisfaction accordée à l’opinion publique, un regain de prestige pour la monarchie ébranlée, le gage aussi d’un précieux et puissant appui pour le vaste plan de réformes qu’il portait, dès cette heure, tout construit dans sa tête et dont il espérait le relèvement de sa patrie. Il se rendait compte également de la difficulté, pour un homme tel que lui, de siéger dans le même conseil que Maupeou et Terray, pour lesquels il ne professait ni estime, ni confiance, et qu’il savait hostiles à la plupart de ses idées. Toutes ces raisons semblaient devoir assurer à Maurepas, sinon le concours actif de Turgot, du moins sa neutralité bienveillante dans la bataille dont il me reste à raconter les derniers épisodes.


VII

La première question à résoudre, — d’où découlerait en réalité tout le reste, — était celle du maintien ou du renvoi de M. de Maupeou. Au sort du chancelier paraissait lié le sort du contrôleur général, tous deux ayant, depuis le nouveau règne, associé leurs fortunes. Ce point, d’après une promesse faite par Louis XVI à Maurepas[1], devait être réglé pendant le séjour à Compiègne, où la Cour était établie pour la durée du mois d’août. Ces semaines furent remplies de machinations et d’intrigues. Les d’Orléans, revenus de leur court exil, harcelaient le Roi de conseils, d’adjurations pressantes, que Maurepas appuyait de ses prudentes insinuations. La Reine, dans le même camp, mettait en jeu les ressources de son esprit et de sa coquetterie légère. « Elle a une bonne qualité, disait à ce propos la Comtesse de Provence ; quand elle veut une chose, elle ne la quitte pas et en vient toujours à ses fins. » Dans le parti adverse, se trouvaient Mesdames tantes, guéries de leur petite vérole, et surtout Madame Louise, qui, du fond de son monastère, conjurait son neveu de ne point céder aux instances des « ennemis de la religion » et des suppôts de la philosophie. L’archevêque de Paris et quelques ecclésiastiques notoires tenaient un langage analogue. Le chancelier, de son côté, se défendait avec adresse. Sans entrer lui-même dans la lice, il poussait son ami

  1. Journal de l’abbé de Véri. — Passim.