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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/871

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sollicités et endoctrinés. Lorsque j’étais en Syrie, un de nos consuls s’occupait fort de rapatrier une bande d’Algériens de la province de Constantine, des pèlerins que les autorités-ottomanes avaient tenté de débaucher à leur retour de La Mecque. On leur vantait la douceur de vivre sous le sceptre paternel du Chef des Croyans, et, pour les mieux convaincre, on leur proposait des terres dans la vallée du Jourdain. Les malheureux qui avaient eu l’imprudence d’accepter, furent bien vite dégoûtés de ce Paradis terrestre. Rançonnés par le fisc impérial, ils se réclamaient à cor et à cri de leur qualité de Français et importunaient notre représentant pour qu’il les rendît au gourbi natal… En Egypte, ces Africains se plaisent davantage. Le pays est plus riche, on les y accueille avec plus d’empressement et de fraternité. Combien de nos Ahmeds n’ai-je pas reconnus autour des hôtels du Caire et surtout dans les parages des Pyramides de Gizeh ! Ceux-là, ce ne sont pas seulement des dévots en rupture de pèlerinage, mais de véritables déserteurs qui ameutent contre nous l’opinion égyptienne. Leurs frères musulmans les hébergent, les protègent, les casent de leur mieux. Grâce à des recommandations, il s’en faufile ainsi jusque dans les administrations de l’Etat, par exemple dans les chemins de fer, où on les emploie comme portefaix, balayeurs ou hommes d’équipe. Un jour, entre Alexandrie et Tantah, je fus assez vivement pris à partie, en ma qualité de Français, par un chef de train qui s’était assis à côté de moi, dans mon compartiment. Cet Egyptien m’énuméra avec indignation toutes les atrocités que nous infligeons à nos sujets mahométans d’Algérie et de Tunisie : il avait écouté les racontars de quelque lampiste algérien. Inutile d’essayer de démentir ces légendes absurdes ! On ne vous croit pas. On préfère croire des trimardeurs ou des échappés de prison. Bien plus, la complicité de la presse et de l’opinion encourage ces transfuges à mentir. Et ainsi, sans aucune espèce d’excitation gouvernementale, il se crée dans le peuple, comme dans les hautes classes, un courant de malveillance et d’animosité à l’égard de la France et, en général, de toutes les nations européennes qui ont des colonies musulmanes. Je ne voudrais pas attribuer à ces menus faits plus d’importance qu’ils n’en méritent. Néanmoins, ces dispositions hostiles, encore envenimées et habilement exploitées par certains politiciens panislamistes, ne semblent pas d’un très bon augure pour nous.