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consulté, voici ce qu’il me répondit : « Je mets en tête les Syriens et les Grecs, à peu près ex æquo. Puis, les Crétois musulmans, qui doivent sans doute cet avantage à leur contact avec les Hellènes ; puis, les Turcs d’Europe (Bulgares, Albanais, etc. ), — et enfin, bon dernier, le gros Turc d’Asie ! » Il sied de compléter ce palmarès, en y insérant les Égyptiens. D’après les professeurs de la Faculté catholique de Beyrouth, comme de l’Ecole américaine protestante, les Egyptiens viendraient immédiatement après les Syriens et les Grecs. Tous s’accordent à proclamer que les étudians d’Alexandrie et du Caire sont supérieurs, au moins comme culture générale, aux étudians turcs.

On le voit, dans cette liste comparative, les Musulmans ne sont pas précisément en très brillante posture vis-à-vis de leurs camarades orientaux. Cependant, il est incontestable qu’ils aspirent à se cultiver et que ces aspirations ne sont pas seulement chez eux un article de réclame, l’occasion d’une phrase à effet dans un manifeste. Le malheur est qu’ils s’instruisent très superficiellement, soit indifférence, soit paresse d’esprit héréditaire. Il suffit de s’entretenir avec eux pour s’apercevoir que leur bagage intellectuel se réduit à de vagues notions scolaires plus ou moins bien digérées. Tranchons le mot, ils n’ont pas le goût de l’étude. Parmi ces nationalistes égyptiens, qui en ont plein la bouche de leurs glorieux ancêtres les Pharaons, combien sont-ils qui aient lu les ouvrages spéciaux, traitant des antiquités de leur pays, qui connaissent un Champollion, un Lepsius, un Mariette autrement que par ouï-dire, ou un Maspéro autrement que comme un gros fonctionnaire émargeant pour une part enviable au budget khédivial ? Ces jeunes gens ne paraissent attacher d’importance qu’aux diplômes. Avocats, médecins, professeurs ou ingénieurs, ils disent à leurs concurrens européens : « Nous avons les mêmes diplômes que vous. Donc nous avons droit aux mêmes places ou aux mêmes clientèles ! » Dieu sait pourtant avec quelle facilite ces diplômes sont distribués en Orient. Les commissions d’examens sont unanimes à confesser qu’elles doivent user d’une extrême indulgence à l’égard des candidats. Néanmoins ceux-ci triomphent, du moment qu’ils ont décroché leur baccalauréat ou leur licence. Ce qu’ils voient dans leur diplôme, ce n’est pas la science qu’il est censé représenter, mais le bénéfice matériel qu’ils en peuvent tirer. Et il ne s’agit pas ici de science spéculative,