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LE
LYRISME DE LECONTE DE LISLE


I

Un effet ordinaire des admirations, d’abord naturelles, puis exagérées, puis dangereuses, que ressentent, pour des œuvres parfaites, les successeurs immédiats d’une période classique, c’est que tous les artistes épris des modèles qui sont offerts à leurs yeux renoncent à atteindre la beauté en observant, eux-mêmes, directement, et toutes palpitantes, la nature et la vie, pour s’épuiser à imiter ces chefs-d’œuvre de l’art dans lesquels la nature et la vie n’ont fait que se refléter.

Le résultat fâcheux de ces imitations « d’après l’art » ne se fait point attendre : l’œuvre qui n’a pas eu de contact avec ce qui est vivant s’affadit. Son contour devient conventionnel. Il existe, à la fin, des moules tout faits que le premier venu, après un peu d’étude, remplit avec la plus médiocre matière. Les apparences extérieures peuvent demeurer quelque temps les mêmes, mais c’est, alors, par le dedans que l’œuvre d’art fléchit. Ce qui était son essence même, sa raison d’être, ce qui lui créait une âme, s’est évanoui.

Les signes de la décrépitude que ce formalisme conventionnel avait apportée vers 1830 dans les arts plastiques nous détourne, avec un mouvement d’agacement et d’humeur, de beaucoup d’œuvres que nos grands-pères ont admirées. C’était le règne des keepsake, de ces haïssables images qui triomphaient dans les salons bourgeois à l’époque de Louis-Philippe, et qui,