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LE
MYSTÈRE DE LA VIE DU TASSE


Victor Cherbuliez, Le prince Vitale, Paris. — Solerti, Vita di Torquato Tasso, Turin, 1895. — M. Pierre de Bouchaud, Goethe et le Tasse, Paris, 1907. — M. Angelo de Gubernatis, Torquato Tasso, Rome, 1908.


On sait d’une manière générale que le Tasse, en pleine possession de sa renommée, malgré son génie et sa gloire, a été enfermé à Ferrare pendant plus de sept années dans une maison de fous où Montaigne, qui le visita, fut pris d’une profonde pitié à la vue de tant de misère. Si le fait est certain, les causes qui amenèrent l’emprisonnement d’un si grand homme sont beaucoup moins connues. Manso, marquis de Villa, gentilhomme napolitain, qui témoigna au Tasse l’amitié la plus active et qui reçut ses dernières confidences, attribue son malheur à la passion qu’il aurait éprouvée pour la plus jeune sœur du duc de Ferrare, Léonore d’Este. Un certain nombre d’historiens de la littérature italienne acceptent cette explication donnée par un contemporain assurément en mesure de savoir le fond des choses. D’autres la contestent par des raisons sérieuses. Dans un livre exquis, du sentiment le plus poétique, Cherbuliez avait présenté les argumens pour et contre avec un scepticisme élégant. On croyait la discussion close par ce chef-d’œuvre d’ironie qui ne concluait pas. Mais, il y a une vingtaine d’années, un critique ingénieux et savant, Solerti, l’auteur d’une édition très complète des poésies du Tasse, a repris la question en essayant de démontrer que les amours du poète et de Léonore d’Este n’ont d’autre valeur que celle d’une légende tout à fait différente de la réalité.