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le temps est encore le fléau le moins redoutable pour ces vestiges du passé. Ils ont des ennemis aveugles et fanatiques : nous-mêmes ! Il n’est pas de jour où l’on ne signale sur quelque point de la France la ruine d’un monument précieux ou la dévastation d’un site admirable. Paris, sous nos yeux, en quelques années, est devenu méconnaissable. « Avant vingt ans, d’énormes constructions s’élèveront le long de la rue de Rivoli, sur la place de l’Étoile, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, dans la rue de Vaugirard, dans la rue du Cloître-Notre-Dame, et on verra alors l’aspect humilié, misérable, qu’offriront, le Louvre, l’Arc de Triomphe, l’Hôtel de Ville, le palais du Luxembourg, Notre-Dame ; et il ne restera plus rien de la beauté jadis fameuse de Paris. » N’est-ce pas un devoir de sauver tout ce qui peut encore être sauvé de cette beauté qui meurt, d’aller au secours de toutes ces choses qui nous tiennent de si près et qui font partie si intime de notre tradition ?

Donc M. Hallays s’est mis en campagne. Et l’on a vu tout de suite que c’en était fini pour lui du dilettantisme d’antan. Je ne crois pas qu’on ait jamais parlé de nos antiquités de France avec plus d’émotion vraie, plus d’ardeur, — et je dirais : plus d’éloquence, si je ne savais l’aversion de M. Hallays pour ce mot, au sens du moins où on l’emploie aujourd’hui. Il a des exclamations d’enthousiasme qu’il ne songe guère à contenir : « Que c’est beau une vieille cathédrale que l’on n’a point dégagée !… » Pour parer au danger, il ne ménage ni son temps ni sa peine. D’Avignon où il bataille pour la conservation du Palais des Papes, le voici au Mont-Saint-Michel dont nos législateurs menacent le pittoresque. De Nancy où un théâtre va gâter la place Stanislas, il court à Vaucluse où la fontaine est en péril, à Perros-Guirec et à Trégastel où il s’agit de combattre de méchans projets qui vont à défigurer la côte bretonne. Une autre semaine on le trouvera dans tel département du Nord ou du Midi, où il faut sauver les objets d’église compromis par quelque coupable fantaisie. Il ne se lasse pas de dénoncer ces destructions scandaleuses et celles qui ne sont pas encore tout à fait consommées, avec l’espoir qu’au dernier moment le bon sens du public se révoltera. H sait bien que neuf-fois sur dix cet espoir sera déçu ; mais il est d’avis qu’il ne faut négliger aucune chance de succès, ni surtout renoncer à se plaindre et à protester. Il proteste, et son ironie de jadis, qui s’est changée en une âpreté combative, fait merveille pour accommoder de la belle façon la « horde » des vandales. Les vandales, ce sont d’abord les restaurateurs qui, au lieu de conserver les monumens, les abîment en les réparant. Ce sont