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Le Manuel des pèlerins de Port-Royal des Champs, qui, de fait, s’accommodait merveilleusement à l’humeur d’un promeneur d’aujourd’hui. Aidé de ce manuel, M. Hallays a accompli et nous invite à refaire avec lui un pèlerinage à chacune des stations que conseillait le Port-royaliste de 1767. Il nous mène tour à tour à Saint-Étienne-du-Mont où furent ensevelis Pascal et Racine, à Saint-Jacques-du-Haut-Pas où reposent le corps de Saint-Cyran et le cœur de la duchesse de Longueville, à Port-Royal de Paris, à Port-Royal des Champs, aux Granges, à Saint-Médard ; et il nous conduira encore à Maubuisson que réformèrent les [religieuses de Port-Koyal, à Alet, siège de l’évêque Nicolas Pavillon[1], et à Linas où deux curieux ex-voto commémorent les miracles de la Sainte Epine. Il commence par poser devant nous le décor, et avec un art subtil d’évocation, il sait nous le présenter tout imprégné de souvenir. Saint-Jacques-du-Haut-Pas n’a certes point de mérite éminent pour l’architecture ; mais ce fut le cadre le mieux approprié à la prière de Saint-Cyran qui en était le paroissien. Le vallon de Port-Royal ne se signalerait à notre attention par aucun attrait spécial, s’il n’était peuplé de grandes ombres, décoré par le souvenir de vertus admirables. Mais « comme ces ombres et ce souvenir ennoblissent ce coin de terre ! Tout près, d’autres vallons, pareils à celui-là, s’ouvrent sûr la vallée de l’Yvette, ravins étroits, tapissés de taillis et au fond desquels un filet d’eau coule lentement entre des prés humides : aucun ne possède la touchante beauté du vallon de Port-Royal. » C’est ici que se justifie le mot d’après lequel un paysage est un état d’âme.

Il y a une vie des choses ; à travers les temps, les lieux se transforment ; ils suivent la fortune de ceux qui les habitent et qui ne peuvent manquer de les modeler sur leur propre destinée. Donc, nous verrons ici les états successifs de ce même vallon qui a, comme ses habitans, connu la faveur des hommes et souffert la persécution. C’est d’abord un terrain marécageux, plein de vipères et d’eaux stagnantes, d’où se dégagent des vapeurs de fièvre. Puis, grâce aux travaux des solitaires, le sol se dessèche, les eaux se canalisent, des jardins fleurissent autour du monastère restauré. Il y a des sons de cloches, des murmures de prières, un mouvement de processions. Pour nous montrer la vie à Port-Royal des Champs, M. Hallays utilise habilement une relation que Sainte-Beuve n’a pas connue : c’est le récit d’un voyage que firent à Port-Royal, en 1697, six demoiselles de Paris.

  1. Voyez dans la Revue du 15 janvier l’étude de M. Etienne Dejean : le Diocèse d’Alet sous l’épiscopat de Nicolas Pavillon.