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qu’une étoile aussi chante, annonçant la naissance d’un Dieu comme eux enfant. À demi charmés, peureux à demi, la peur est bientôt la plus forte et, rassemblant leurs bêtes, ils s’en retournent à la maison. Mais l’étoile déjà les y rejoint et les y éveille. À sa voix, ils se lèvent et, joyeux, se mettent en route. Sur le chemin, ils font rencontre d’un cortège étrange et qui les amuse fort. Ce sont les Mages, et tous ensemble, suivant l’étoile mélodieuse, ils arrivent au pied de la crèche, les grands et les petits, les rois avec les bergers.

Après ce premier tableau, tout de mouvement et de vivacité, le second n’est que recueillement, contemplation et prière. Accueillis par la Vierge, par l’âne et le bœuf aussi, les enfans s’empressent autour de Jésus, le regardent, l’admirent, l’adorent, puis l’ayant bercé de leurs chants, ils se retirent, plus joyeux encore qu’ils n’étaient venus, d’une joie seulement plus discrète et vaguement attendrie.

Je dirais volontiers de M. Pierné, comme on disait au XVIIe siècle, qu’il a « bien de l’esprit. » Et le mot, comme alors, signifierait plus de choses qu’aujourd’hui : non seulement l’intelligence et le goût, la finesse et la mesure, mais les choses mêmes du cœur, le sentiment, la tendresse et la poésie.

Le musicien des Enfans à Bethléem, après celui de la Croisade, a traité le second sujet, plus délicat encore, et ce sujet tout entier, d’une main encore plus légère. Mais pas une fois cette légèreté n’est insuffisance ou faiblesse, de même que partout elle échappe à la monotonie. Outre que les deux parties, nous le disions plus haut, forment un agréable contraste, la première a musicalement de la variété. Les chœurs enfantins, qui sont nombreux, diffèrent de caractère et d’expression, de coupe mélodique et rythmique, d’allure et de mouvement. La peur surtout, quand vient la nuit, altère et pâlit en quelque sorte les innocens refrains. À la ronde allègre succède une craintive complainte et le passage de l’une à l’autre est fait de frissons chromatiques, de pizzicati tremblans, d’un motif, paisible tout à l’heure, maintenant sautillant et qui fuit, de menus traits enfin qui ne sont que des riens, mais délicieux. Bientôt, quand les petits reverront le village, c’est presque un hymne de triomphe que leurs voix raffermies entonneront. Plus tard encore, éveillés par l’étoile, un pimpant scherzo marquera la hâte et le gai tumulte de leur départ. Tout est discret dans cette musique, tout y est tempéré : les thèmes, les harmonies et les sonorités. La symphonie elle-même, — car on l’y trouve, et plus d’un motif s’y développe et s’y transforme, — la