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d’abord les paroles, afin d’en mieux excuser la musique. On s’en prend volontiers aux poèmes, de la chute même de partitions qui seraient bien tombées toutes seules. On a tort. Le livret, en général, ne fait pas tout à l’affaire. De médiocres, voire d’absurdes scénarios ont pu supporter en quelque sorte des chefs-d’œuvre de musique, et les soutiennent encore. « Un bon livret, disait, je crois, Meyerbeer, assure le succès de la « première, » mais celui de la « centième » dépend d’une belle partition. » À ce compte, la « première » de Monna Vanna pouvait être un triomphe, car la pièce de M. Maeterlinck me paraît, autant qu’une noble tragédie, un « livret » excellent. On se plaindra peut-être qu’elle manque d’action et d’épisodes, de prétextes à la mise en scène et de brillans dehors. Mieux vaudrait s’en féliciter et ne pas s’abuser plus longtemps sur le caractère, ou la mission, ou la nature même de la musique, fût-ce de la musique d’opéra. Un opéra, ou, si l’on veut, un drame lyrique, n’a pas, ne saurait avoir pour sujet ou pour matière le dehors, mais le dedans. Le centre, le fond, et, comme disait Wagner, « le purement humain, » voilà ce que la musique doit chercher d’abord, et le reste, — que d’ailleurs elle ne méprise point, — lui sera donné par surcroît. « Tôt ou tard on ne jouit que des âmes. » La devise de Lacordaire fut et sera toujours celle des musiciens comme des poètes de théâtre, je parle des vrais, des grands. « Kunst der Innerlichkeit, » disait de la musique un autre philosophe, allemand : « L’art de l’intérieur. » Monna Vanna répond à cette vocation et l’on écrirait volontiers, n’était la barbarie des termes, que l’intériorité de la tragédie de M. Maeterlinck en fait justement la musicalité.

La faute première et la faiblesse générale de la musique est de n’être point allée aussi avant. À côté du drame, la partition paraît, dans son ensemble, extérieure et superficielle. L’expression des sentimens et l’analyse des caractères, la psychologie enfin, — car les sons, comme les mots, ont la leur, — y manque de profondeur et de finesse. La musique a laissé dans l’ombre et dans l’incertitude, des nuances, des mouvemens qui pouvaient recevoir d’elle plus de précision et de lumière.

Partout, ou presque partout, elle a réduit, rapetissé la vie, au lieu d’en accroître l’étendue et la profondeur. Elle a manqué particulièrement, cette musique, les passages de grand lyrisme ou, comme disait le président de Brosses, « les endroits forts : » entre autres, la partie la plus ardente, la plus passionnée, ou qui devait l’être, et la péroraison du duo du second acte. Il fallait trouver ici, quand s’éclairent à la