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guerre pour 12 millions de plus, ni à Constantinople pour 20 millions de moins. A un moment, la Porte a fait entendre que si la Bulgarie consentait à une légère rectification de frontière, elle pourrait elle-même faire une concession sur l’indemnité ; mais cette proposition, ou suggestion, a été fort mal prise à Sofia, et elle a même servi de prétexte à la mobilisation dont nous avons parlé. Les choses menaçaient de se gâter : nous avons alors, — nous n’étions pas les seuls, — exprimé l’avis que le moment était venu pour les autres puissances d’interposer leurs bons offices. C’est alors que la Russie s’est avancée seule avec un rameau d’olivier à la main : elle a proposé de se substituer à la Bulgarie pour le règlement avec la Turquie d’une indemnité qui pourrait être élevée à 120 millions, et même à un chiffre supérieur. La Bulgarie ne lui serait redevable que de 82 millions, et les lui paierait sous une forme à déterminer. Quant à l’opération entre la Russie et la Porte, elle serait facilitée par le fait que la seconde est débitrice envers la première d’une indemnité de guerre, fixée par le traité de Constantinople, en 1879, à 800 500 000 francs en chiffres ronds, et dont une forte partie reste encore due. La Turquie devait se libérer par 74 versemens annuels de 8 millions chacun. Voici donc la combinaison proposée. La Russie consentait à abandonner une quinzaine de ces annuités, ce qui permettrait à la Turquie de contracter un emprunt immédiat, et dans de bonnes conditions. Telle a été, dans ses lignes générales, la proposition russe : elle était d’ailleurs de nature à prendre des formes un peu différentes et les chiffres pouvaient en être modifiés, On n’a vu en tout cela qu’une chose, c’est que la Russie faisait une offre à la fois intelligente et généreuse qui, si elle était acceptée, mettrait fin au conflit chaque jour plus aigu entre la Bulgarie et la Porte, dissiperait une fois pour toutes les appréhensions qu’on pouvait en éprouver, et, du même coup, rétablirait le prestige et l’influence russes sur les populations slaves des Balkans. C’était trop beau : il fallait s’attendre à ce que les choses rencontrassent dans l’exécution quelques difficultés. Elles ne sont pas venues de Sofia. L’opinion, dans son ensemble, s’est montrée favorable à la proposition. Quelques voix se sont bien élevées pour dire que l’acceptation d’une pareille offre maintiendrait pour longtemps la Bulgarie sous la dépendance de la Russie : elles n’ont pas eu beaucoup d’écho. Mais si la première impression a été bonne à Sofia, elle a été plus réservée à Constantinople : on s’y est d’abord montré disposé à refuser ; puis on a demandé à réfléchir.

Si on envisage le reste de l’Europe, on y constate aussi des