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serrée, bien persuasive de la vanité des vouloirs les plus hauts et du ridicule de l’effort. Dès l’abord, l’acre rire de Méphistophélès fait brutalement table rase de tout idéal. Il attaque Faust par un fragment du thème sentimental. Puis il suit l’ordre de ses idées dans le premier morceau, les reprend une à une, déforme leur sens, en montre l’envers, les tourne en argumens contre elles-mêmes, fouaillant de négations impérieuses l’illusion du docteur. Avec une virulence sans égale, il combat par ces idées mêmes le souvenir intact de Gretchen, premier principe du salut. L’amour de Faust, il l’a bafoué comme le reste ; l’amour de Gretchen est la seule chose qui échappe à son sarcasme.

De tout ce qui est à portée de la musique dans le Faust de Goethe, le Faust de Liszt résume l’absolu. Ce peut être une œuvre imparfaite au point de vue musical, de second ordre en bien des endroits : ce n’en est pas moins un modèle de ce que doit être, dans l’état actuel de la musique, une œuvre musicale par rapport à l’œuvre poétique dont elle est issue. Intelligemment fidèle, mais tout indépendante, elle reste la musique dans sa personnalité intégrale. Le musicien dramatique lui-même devrait la prendre comme exemple, et porter sur le théâtre le même esprit.


IV

Mais les opéras dont Faust a fourni le sujet appartiennent pour la plupart à une autre sorte de musique, qui ne vise qu’aux sens, et ne recherche que l’agrément, l’amusement, ou une émotion facile et peu relevée. Il est extrêmement fâcheux que pette musique-là soit confondue avec la véritable sous le même nom, dans les mêmes théâtres, quelquefois sur les mêmes programmes de concerts. Si l’élégance ou l’esprit de la forme, la légèreté du style, suffisent à donner du prix à certains ouvrages qui n’ont que les dehors de la musique, mais qui les ont corrects et charmans, il en existe une catégorie, d’un caractère servile et intéressé, qui ne sont pas seulement de la mauvaise musique : ils ne sont pas de la musique du tout. Dans l’ordre de la littérature, on garde soigneusement les distinctions nécessaires, et dans l’ordre de la peinture même, si mêlées que soient certaines expositions. Ces distinctions sont plus tranchées et plus