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liée au milieu américain par une complexité d’intérêts qu’accuse, de part et d’autre de la frontière, le lacis presque toujours mixte des capitaux et des voies ferrées. Aussi les hommes d’Etat d’Ontario, pour contre-balancer ces influences, attachent-ils le plus grand prix au maintien de relations cordiales avec les Français de Québec. L’esprit politique étouffe bien vite les excitations maladroites des quelques égarés qui voudraient aviver des désordres de races et de religions entre les deux vieilles provinces ; l’une et l’autre se soutiennent et se complètent ; elles ont le nombre, quatre millions d’habitans sur les six millions du Dominion, et l’argent ; Québec possède la seule race de l’Amérique du Nord, nègres exceptés, qui multiplie vite par ses seules forces prolifiques. Il est donc intéressant de constater que ces provinces prennent conscience de leur solidarité nécessaire, et veulent, de plus en plus, coloniser chez elles ; elles enracinent ainsi dans un sol limité l’union sociale et politique sur laquelle repose, croyons-nous, l’avenir britannique du Dominion.

Le Manitoba, étalé à mi-distance entre les deux Océans, puis l’Alberta et la Saskatchewan, qui sont les nouveaux Etats de l’Ouest, constituent, des Grands Lacs aux Montagnes Rocheuses, la zone par excellence de la colonisation. Une carte générale du Canada fait ressortir que Winnipeg, chef-lieu du Manitoba, est le centre du rayonnement de nombreuses lignes de chemins de fer : le Canadian Pacific et le Great Northern y ont concentré d’importans services administratifs et techniques, le Grand Trunk Pacific vient s’y souder à ces réseaux plus anciens, dont il double déjà les lignes sur plus de 1 000 kilomètres, de part et d’autre de la capitale ; on peut donc dire que tout le mouvement de l’Ouest passe par cette ville qui compte aujourd’hui 115 000 habitans : en deux années seulement, 1904 et 1905, plus de cent millions de francs ont été dépensés à Winnipeg en construction d’immeubles. Or, d’où viennent présentement immigrans et capitaux ? Surtout des Etats-Unis. M. Sifton prévoyait-il cette affluence, lorsqu’il faisait appel aux colons disparates qu’il a dispersés dans l’Ouest ? C’est possible ; mais toujours est-il que les chiffres de l’immigration, pour 1907, sont très caractéristiques : il y a chute profonde dans le contingent des arrivans d’Europe, tandis que l’effectif en provenance des Etats-Unis se maintient, avec tendance à la hausse ; cependant,