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sièges aux dernières élections, et notamment battu le seul des ministres de sir Wilfrid qui eût la mauvaise chance d’être à leur merci en Colombie, M. Templeman. En revanche, l’habile transaction ménagée par M. Lemieux au sujet de l’immigration japonaise a rassuré les ouvriers des groupes avancés et sauvé le mandat de M. Ralph Smith, socialiste indépendant d’hier, ami du gouvernement Laurier aujourd’hui.

Naguère sir John Macdonald, le père de la National policy, avait voulu cimenter l’union fédérale des provinces par la construction du Canadian Pacific Railway ; une pensée politique du même ordre a fait de sir Wilfrid le champion résolu du Grand Trunk Pacific ; le G. T. P. est une réplique du C. P. R., accommodée aux conditions nouvelles du Canada ; il sert la colonisation dans l’arrière-pays des vieilles provinces et tout ensemble maintient l’union économique d’Est en Ouest, à travers les territoires que gagne, sur toute la largeur du Dominion, l’émigration rurale qui monte du Sud ; il conduira, sur des domaines encore vierges, les colons recrutés en Europe, par une propagande de plus en plus active, mais aussi de plus en plus sévère sur le choix de ses recrues. Organe de plus-value économique, le G. T. P. est aussi un instrument d’équilibre politique. Les adversaires du Cabinet Laurier, alléguant l’énormité de la dépense, se seraient contentés, disaient-ils, d’une nouvelle ligne partant de Winnipeg vers l’Ouest ; le premier ministre ne l’a pas voulu ; il a personnellement insisté pour que le tronçon oriental, des provinces maritimes à Winnipeg par Québec, fût construit en même temps que l’autre. La Presse, qui est le grand journal canadien français de Montréal, a fait plusieurs fois ressortir, au cours de la campagne électorale, que c’était là un souci supérieur à des coteries d’intérêts provinciaux, et vraiment une conception d’homme d’Etat.

Le second transcontinental fournit actuellement de l’ouvrage à plusieurs milliers d’ouvriers ; il apporte ainsi une atténuation à la crise que le Canada subit, inévitablement, comme les Etats-Unis et la vieille Europe ; à ce titre donc, aussi, l’initiative du ministère libéral est opportune. Le Canada, qui n’a guère connu jusqu’ici que la menace des conflits sociaux, n’échappera pas à ce danger, d’autant moins qu’il devient industriel. Il n’existe pas encore de parti socialiste canadien ; cependant, des groupes socialistes se dessinent dans plusieurs centres et, dans la Colombie