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qu’il est sûr que le temps travaille pour lui, et que sa durable complaisance finira par forcer celle du Royaume-Uni. Là encore sir Wilfrid se montre homme d’Etat, capable de réserver et de prévoir : il résiste à l’Association des manufacturiers canadiens, puissance économique et même électorale, qui désirerait des droits plus élevés contre les articles anglais.

L’industrie des lainages, celle qui se plaint le plus vivement, est en baisse évidente depuis une quinzaine d’années ; le nombre des usines, de 1891 à 1905, est tombé de 213 à 103, celui des ouvriers employés, de 6 881 à 4 587 ; il faut tenir compte de ce qu’une machinerie plus parfaite permet un travail égal ou supérieur, dans des usines centrales, avec une moindre main-d’œuvre, cependant les manufacturiers sont atteints ; les lainages anglais, les seuls qui leur fassent une concurrence active, sont frappés d’un droit de 30 pour 100 (le droit du tarif intermédiaire est de 35, à peine supérieur à celui de la Préférence), ils demandent davantage. Or sir Wilfrid entend ménager le consommateur, il ose parler aux usiniers du pauvre laboureur qui, dans un pays où l’hiver est froid, a besoin de vêtemens chauds à bon marché ; il va jusqu’à les blâmer de ne point vouloir fabriquer des articles économiques pour lesquels ils laissent le champ libre à leurs compétiteurs anglais. Et, comme les manufacturiers insistent, il leur promet gravement… une enquête sur l’industrie textile en Angleterre, en Allemagne et dans plusieurs autres pays.

Donc, pour le moment, pas de nouveau tarif douanier, ce qui équivaut à quelques facilités pour le producteur anglais de garder une clientèle canadienne ; mais de plus en plus, le Dominion est décidé à diversifier, à nuancer son tarif ; le droit préférentiel n’est plus uniformément fixé à 30 pour 100 ad valorem, mais varie suivant les rubriques, de manière à concilier, autant que possible, les intérêts britanniques en face de l’étranger et les intérêts canadiens en face de l’Angleterre. C’est là un jeu d’équilibre très délicat, dans lequel le cabinet Laurier devra désormais déployer toute sa souplesse manœuvrière ; il entend élever, au-dessus de toutes contestations, le principe même de la Préférence, car ce système est celui d’un placement à long terme, mais de revenu futur qu’il juge certain. Dans cet esprit, les commissaires du Canada, interprètes fidèles de la pensée ministérielle, ont admirablement planté, à l’Exposition