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activité commerciale et politique dans l’Empire chérifien ; il est question, en 1887, d’une conférence sur le Maroc et, en 1888, El-Mokri fait à Berlin un voyage où l’on parle de protectorat allemand. Des agens allemands commencent l’étude approfondie des pays d’Islam et préparent une action panislamique allemande. En 1882, l’Allemagne participe à la politique d’internationalisation de l’Egypte ; elle intervient avec la France, en 1884, pour empêcher la ratification du traité anglo-portugais qui aurait donné tout le centre de l’Afrique à la Grande-Bretagne ; la Conférence de Berlin, en 1885, organise l’État indépendant du Congo dont le roi Léopold devient le souverain. Ainsi se manifeste la préoccupation de Bismarck de contenir dans de justes bornes l’appétit anglais et de réserver, dans le partage du monde, un morceau pour l’Allemagne. Mais il n’est pas l’homme de la « politique mondiale ; » il refuse de laisser détourner son attention des frontières de terre ; il ne s’engage pas à fond dans une politique d’expansion ; il espère assister, en témoin très satisfait, à la lutte de la France et de l’Angleterre.

On se tromperait beaucoup si l’on se représentait l’empereur Guillaume II comme un adversaire systématique de l’Angleterre, décidé à lui disputer le sceptre des mers et faisant converger de loin toutes les démarches de sa politique vers la ruine de la puissance britannique. Il est, au contraire, un admirateur ardent de l’Angleterre et il a toujours cherché à entretenir avec elle des relations d’amitié ; s’il y a eu, entre les deux pays, à certains momens, des rapports difficiles, si une animosité croissante s’est développée entre eux, c’est par l’effet naturel de la concurrence économique, et non pas d’un parti pris hostile ou d’une volonté tracassière. Guillaume II représente une génération nouvelle d’Allemands, qui ont cherché dans des voies nouvelles un emploi à leur activité et un but à leurs ambitions. Il a eu le grand mérite de comprendre la puissance et l’avenir de ce mouvement ; il a voulu être, il a été, le pilote de son peuple vers des destinées que les vieux Hohenzollern n’avaient ni souhaitées ni prévues pour lui. La monarchie prussienne a toujours été colonisatrice, elle l’a été dans la marche de Brandebourg, dans les sables de la Poméranie et de la Prusse ; elle l’a été en Pologne et dans les provinces baltiques ; Guillaume II a agi comme ses ancêtres ; il a pensé qu’il était de son devoir d’Empereur de suivre, dans leur essor à