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Chambre et avant que le Sénat le discute, peut éprouver le besoin de quelques mois de repos et d’observation, nous n’hésitons pas à dire que c’est M. Picard qu’il faut suivre. Et même, si le gouvernement veut remplir tout son devoir, il ne se contentera pas de demander les 225 millions immédiatement indispensables, il annoncera encore aux Chambres, c’est-à-dire au pays, la nécessité où il sera bientôt d’en demander d’autres pour mettre notre marine en état de tenir son rang parmi celles des autres grandes puissances.

Ces questions vitales ne se posent pas seulement chez nous. On sait comment l’Allemagne, les États-Unis, le Japon les ont résolues. L’Angleterre, en ce moment même, est aux prises avec elles dans des conditions qui ne sont pas sans analogie avec celles où nous nous débattons nous-mêmes. Il y a en Angleterre, comme chez nous, un gouvernement libéral, qui obéit à des suggestions démocratiques et sociales, mais qui, malgré quelques divergences entre ses membres, met au-dessus de tout les intérêts de la grandeur et de la défense nationales. La session parlementaire vient de s’ouvrir à Londres, et dans le discours du Trône nous ne relèverons qu’une phrase, qui est plus importante que les autres et les résume : elle pourrait tout aussi bien figurer dans le discours d’un ministre français. « En raison, dit le Roi, de diverses circonstances, parmi lesquelles figure le nouveau fonds constitué l’année dernière pour les retraites de vieillesse, et une augmentation devenue nécessaire dans le budget de la marine, les dépenses de cette année excéderont considérablement celles de l’année fiscale précédente. » Si l’Angleterre, en effet, veut garder sa puissance, elle doit augmenter sa flotte, puisque d’autres augmentent la leur, et refondre même ses institutions militaires. Elle le comprend fort bien, et il est peu probable qu’elle manque à ce devoir de conservation. Ce même devoir s’impose à nous : serions-nous assez légers et assez imprévoyans pour y faillir ?


Les nouvelles d’Orient ne sont pourtant pas faites pour nous rassurer. Elles sont à la fois confuses et inquiétantes, confuses parce qu’elles sont nombreuses et souvent contradictoires, inquiétantes parce que, à mesure que nous marchons vers la fonte des neiges dans les Balkans, les difficultés se multiplient et se compliquent au lieu de se dénouer. Le printemps qui, partout ailleurs, est une saison bénie, attendue et désirée, n’évoque là que des appréhensions : on craint, hélas ! qu’il n’y soit ensanglanté. Jusqu’ici, une seule question est réglée, parmi toutes celles qu’on agite, à savoir la question austro-