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Tout cela, évidemment, n’avait pas de quoi constituer une preuve absolue : mais aussi Thayer n’entendait-il pas nous obliger à admettre la conjecture qu’il nous proposait. Il se contentait d’affirmer que, « assez vraisemblablement, » c’était à Thérèse Brunsvick que Beethoven, le lundi 6 juillet 1807, avait adressé sa lettre, d’une petite ville de Hongrie, appelée Pystian, dont les eaux passaient pour être des plus efficaces dans le traitement de la surdité. Le K. mentionné dans la lettre pouvait fort bien signifier Korompa, où demeuraient alors les Brunsvick, et où, peut-être, le musicien se proposait d’aller « bientôt, » après l’achèvement de sa cure.


Ce qui n’était ainsi, pour le biographe américain, qu’une supposition « vraisemblable » faillit se changer en une solution définitive du problème lorsque, vers 1890, une dame écrivant sous le pseudonyme de Mariam Tenger publia une brochure intitulée : L’Immortelle Bien-aimée de Beethoven. Mariam Tenger y révélait, sur la foi de « communications personnelles » de la comtesse Thérèse Brunsvick, que c’était décidément à celle-ci qu’avait été adressée la lettre d’amour. En tâchant à consoler Beethoven du désespoir où l’avait plongé le mariage de sa cousine, la jeune fille avait laissé voir à son professeur que sa compassion envers lui, et la respectueuse admiration dont elle était remplie pour son génie musical, se renforçaient, dans son cœur, d’un sentiment plus tendre ; et les deux amoureux s’étaient secrètement fiancés, en mai 1806, pendant une visite de Beethoven au château de Martonvasar. Ils s’étaient promis de se marier aussitôt que la situation financière, et surtout mondaine, du musicien lui permettrait de présenter sa demande à la vieille comtesse Brunsvick : mais Thérèse avait dû reconnaître que jamais l’orgueil aristocratique de sa mère ne consentirait à tolérer une mésalliance aussi scandaleuse ; et bien que la jeune fille jurât qu’elle était prête à se passer de ce consentement, son fiancé, — par un scrupule généreux qui n’est point pour surprendre dans l’âme de héros que lui avait faite, dès lors, l’habitude de la douleur, — avait refusé d’accepter le sacrifice qu’elle lui offrait. Vers le milieu de l’année 1810, les fiançailles avaient été