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candidature ou avoir recours à la guerre. Mais nous ne voulions pas plus de la guerre que de la candidature et nous nous obstinions plus que jamais à la volonté de négocier. L’Empereur, sachant la rivalité sourde qui existait entre Prim et Serrano, crut qu’il y avait là un moyen de contre-miner Prim. Serrano était l’ami de la France et entretenait avec Napoléon III d’excellentes relations personnelles. L’Empereur eut l’idée de faire, directement et en secret, un appel à ses bons sentimens. Il manda à Saint-Cloud Bartholdi, l’envoyé de Mercier, et lui donna l’ordre de repartir le lendemain : à son arrivée à Madrid, il se rendrait auprès du Régent et lui demanderait de sa part, comme un service personnel dont il lui serait toujours obligé, de faire immédiatement une démarche auprès du prince Antoine de Hohenzollern, afin qu’il décidât son fils à renoncer à sa candidature. Bartholdi demanda à l’Empereur s’il ne serait pas plus correct et préférable que l’ambassadeur fît lui-même la démarche. « Non, répondit l’Empereur ; vous pouvez en parler à Mercier, mais, dès votre arrivée, allez vous-même chez Serrano comme venant spécialement de ma part. Cela fera plus d’effet. Insistez, dites au maréchal que je fais appel à ses sentimens d’amitié pour moi. »

Du côté de la Prusse, nous ne renonçâmes pas non plus à tenter un effort suprême. Nous ne pouvions pas songer à aller trouver Bismarck à Varzin ; il nous eût fermé sa porte au nez plus rudement encore que Thile ne l’avait fait ; il ne nous restait qu’un recours, celui au roi de Prusse alors à Ems. Nous n’avions pas devant nous un roi constitutionnel, se tenant par devoir en dehors des affaires ; Guillaume régnait et gouvernait ; en toute occasion, il déclarait que ses ministres étaient de simples instrumens, que leurs actes n’étaient que l’exécution de ses pensées personnelles. Notre démarche n’avait donc rien d’incorrect, et ce n’était pas la première fois que le Roi traitait, directement les affaires avec les souverains ou leurs représentans. Cette manière de négocier n’offrait de péril qu’à nous-mêmes, puisque tout devait y rester confidentiel et verbal, qu’aucune note ne pourrait être échangée qui permît plus tard d’établir, par des témoignages indiscutables, la rectitude et la prévoyance de la conduite. Nous n’ignorions pas qu’il n’est pas conforme à l’étiquette de troubler la cure d’un roi, mais il y avait urgence et point par notre faute, et, comme nous n’avions pas d’autre