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Gramont reçoit et qui conspirent contre le prince Charles. Le duc lui-même s’est exprimé très rudement sur le prince qu’il accuse d’être complice de la candidature de son frère et il menace de travailler à son renversement, afin de donner satisfaction à l’opinion, qui a maintes fois reproché à l’Empereur d’avoir mis un Hohenzollern sur le Danube. De plus, l’Autriche est mal disposée ; il faut que Votre Majesté m’autorise à rassurer le prince Antoine contre cette triple menace et à lui promettre, sans crainte d’être désavoué, que son fils, loin d’avoir à redouter le mauvais vouloir du gouvernement français, peut à l’occasion compter sur son appui. » L’Empereur prit les engagemens que demandait Strat, et celui-ci accepta la mission en exigeant que ni Gramont ni personne n’en fût instruit. L’Empereur lui promit le secret et sa plus largo bienveillance s’il réussissait, et, remerciant de nouveau Olozaga de son initiative, il lui dit : « C’est la dernière flèche que nous avons à notre arc ; je serais bien étonné qu’elle portât, mais cela me rendrait bien heureux. » Strat se dirigea aussitôt vers Dusseldorff, pour s’y informer du lieu où se trouvaient les princes de Hohenzollern.

Se procurer la renonciation de Léopold ne parut pas suffisant à Olozaga. Il voulut, afin de l’écarter encore plus définitivement, lui substituer une autre candidature : il s’adressa de nouveau à l’irréductible prince Ferdinand et lui télégraphia le 8 juillet : « Si, pour éviter la guerre qui est imminente, le candidat prussien se retire, les puissances, qui agiront dans ce sens, favoriseront la candidature portugaise. Saldanha rendra un grand service à l’Europe s’il peut écarter les obstacles qui s’y rencontrent. L’Empereur m’a parlé de lui avec un grand intérêt et affection. »

Ainsi quatre actions pacifiques, celle auprès de Serrano à Madrid, celle auprès du roi Guillaume à Ems, celle auprès des princes Hohenzollern à Sigmaringen et celle des Cabinets amis, vont se mêler, se croiser, se seconder, quoique s’ignorant réciproquement, toutes les quatre tendant au même but : la sauvegarde de la paix par le retrait de la candidature ; toutes les quatre conçues, encouragées ou conduites par l’Empereur ou ses ministres, ces soi-disant provocateurs à l’affût d’un prétexte de guerre !


EMILE OLLIVIER.