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toute propriété. Sur ce territoire, la population agricole indigène qui forme d’ailleurs plus des quatre cinquièmes de la population indigène totale, monte à 2 850 397 personnes. L’indigène n’a par tête qu’une moyenne de 2 hectares 3 ares 2 centiares ; et encore faut-il remarquer que la part individuelle varie fortement suivant les régions. Si pour le département d’Oran, elle est de 3 hectares 155, elle est de 1 hectare 65 par tête, dans celui de Constantine, de 1 hectare seulement, dans l’arrondissement de Sidi-bel-Abbès. A vrai dire, l’indigène a encore pour son bétail la jouissance d’environ deux millions d’hectares de communaux et l’usage de près d’un million de terrains domaniaux ouverts aux parcours. Mais les terres qu’il possède ne sont pas toutes cultivables ; les meilleures, prises dans leur ensemble, ne valent pas celles qui sont aux mains des Européens, et la part des communaux qu’il laboure ainsi que le bénéfice qu’il tire des parcours ne compensent pas cette infériorité de ses terrains. Sans doute, il peut en tirer meilleur parti par l’amélioration de son outillage et de son cheptel, mais il est à prévoir que l’augmentation du rendement de son exploitation sera, en ce cas, tout au plus juste assez pour faire face à l’accroissement d’une population à forte natalité et qui n’est pas contenue comme jadis par la famine et la guerre. Cet accroissement depuis 1870 suit une marche d’un demi-million toutes les décades. De 2 388 562 habitans en 1870, elle est passée à 2 652 716 en 1880, à 3 432 140, en 1891, à 4 091 131 en 1903. Coïncidant avec la réduction considérable de la propriété foncière indigène, cette augmentation crée une situation économique telle qu’il ne faut plus, dès maintenant, songer à diminuer l’étendue des surfaces cultivées par les indigènes.

Et, à ce sujet, il y a lieu de faire remarquer ici, qu’aujourd’hui même, et malgré les leçons de l’expérience, tout un système nouveau s’édifie à l’abri de la loi de 1851 qui a autorisé l’expropriation pour cause de création de villages, lequel aurait pour résultat ultime d’enlever aux indigènes ce qu’il peut leur rester encore de bonnes terres.

Sans doute, on n’ose plus, comme jadis, procéder à l’expropriation forcée et sans compensations de toute une collectivité, mais lorsque l’administration a besoin de terrains pour la création d’un village européen, elle n’en exproprie pas moins les indigènes, au moyen de soultes, d’échanges, d’indemnités