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trouvons ; non, il n’est pas possible que, pour des griefs aussi menus, aussi difficiles à définir, des services publics soient interrompus, des fonctionnaires publics entrent en révolte. Et contre qui, messieurs ? Prenez-y garde : contre M. le sous-secrétaire d’État des postes ? contre M. le ministre ? contre le gouvernement ? Non ; par-dessus nous, ils se révoltent contre vous, messieurs ; ils se révoltent contre la nation tout entière dont ils interrompent la vie, dont ils suspendent les services, sur laquelle ils font peser des dangers de toute nature. Je me garderai bien, dans un débat où la simplicité est encore la meilleure forme de la sincérité, de dramatiser et de prononcer des paroles inutiles. Mais n’ai-je pas le droit de dire, messieurs, que nous nous sommes trouvés dans une situation délicate, difficile, qu’il est des heures où le gouvernement a besoin de toute la liberté, de toute la plénitude de ses communications avec ses ambassadeurs, avec ses consuls, avec ses ministres, avec ceux qui représentent la France au dehors ; qu’il est des heures où non seulement une grève comme celle que nous déplorons tous est un attentat contre la souveraineté nationale, mais quelle risque encore de devenir un attentat contre la défense nationale elle-même. » La grande majorité de la Chambre a couvert le ministre d’applaudissemens mérités par la manière dont il venait de mettre en relief les inconvéniens et les dangers de la grève des postiers ; mais ni la Chambre, ni le gouvernement ne se sont demandé si la politique qu’ils suivent depuis une douzaine d’années, et dont ils sont solidairement responsables, n’était pas la cause principale de cette grève, et de celles qui l’ont précédée, et de celles qui la suivront : et c’est pourtant la vraie question.

Si la grève des postiers n’était due qu’aux causes accidentelles qui lui ont été assignées et si, dès lors, elle n’était elle-même qu’un accident, il faudrait quand même en constater la gravité, mais il n’y aurait pas à en redouter la répétition et la contagion. Malheureusement elle est un symptôme d’un état général, elle est la résultante d’une politique ancienne, et les postiers eux-mêmes l’ont parfaitement senti et fait sentir lorsqu’ils ont dénoncé les méfaits du favoritisme, et aussi les persécutions odieuses dont quelques-uns d’entre eux, ou des leurs, ont été victimes parce qu’ils allaient à l’église et qu’ils professaient des sentimens religieux. Il faut leur savoir gré d’avoir dit cela : c’est un langage que le ministère n’entend pas assez souvent, et dont il ne tiendra d’ailleurs compte que lorsque les échos lui en reviendront de plusieurs points du pays. Peut-être, alors, comprendra-t-il que l’opinion commence à se lasser de certaines pratiques gouvernementales