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faire que dans une conférence, et la brusquerie de sa conversion, au moment même où elle collaborait avec l’Angleterre et la France à la rédaction d’une nouvelle formule à proposer à la Serbie, peut passer pour déconcertante. On a dit que l’empereur Guillaume avait agi personnellement sur l’empereur Nicolas. On a parlé de mouvemens de troupes qui se seraient opérés non seulement en Autriche, mais en Allemagne, et qui auraient manifestement témoigné de la ferme intention de celle-ci de marcher avec celle-là, et de ne pas jouer auprès d’elle un rôle de second plan. Tout cela sans doute s’éclaircira plus tard. Il y a, nous l’avouons, dans cette affaire, des détails obscurs qui nous échappent encore.

Le lendemain de la démarche russe, l’Angleterre et la France se sont trouvées seules en face de l’Autriche dans une situation inévitablement affaiblie ; cependant elles n’ont pas cru pouvoir abandonner l’œuvre qu’elles avaient entreprise entre l’Autriche et la Serbie ; elles ont continué de regarder comme un devoir pour elles d’atténuer, dans la mesure du possible, la rudesse du coup qui allait frapper cette dernière. Le gouvernement autrichien ayant paru vouloir associer l’Allemagne à un succès qui ne pouvait plus lui échapper, ce sont les ambassadeurs allemands à Londres et à Paris qui, comme M. le comte de Pourtalès l’avait déjà fait à Saint-Pétersbourg, ont interrogé les gouvernemens anglais et français sur leurs intentions relatives à l’Herzégovine et à la Bosnie. Les deux gouvernemens ont déclaré que, lorsque l’Autriche leur poserait la question, ils ne feraient aucune difficulté à lui faire une réponse propre à la satisfaire, si l’accord s’était préalablement établi sur l’affaire serbe. Il s’est établi presque aussitôt. Le texte de la note serbe a été définitivement arrêté. La Serbie n’a pas attendu davantage pour commencer son désarmement. Le prince héritier, qui, avec l’ardeur inconsidérée de son âge, avait été le plus démonstratif des partisans de la guerre, a renoncé à ses droits au trône. Tout a réussi à M. d’Æhrenthal, personne d’ailleurs n’ayant plus intérêt, après la renonciation inopinée de la Russie, à lui marchander davantage un triomphe que cette renonciation a rendu complet.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.