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de télégraphier à Benedetti que nous étions de plus en plus débordés par l’opinion publique, que nous comptions les heures et qu’il fallait absolument insister pour obtenir une réponse du Roi, qu’il la fallait pour le lendemain. Le surlendemain serait trop tard[1].

L’Empereur, de son côté, arrêtait avec Le Bœuf une mesure très grave. Il envoya le colonel d’état-major Gresley à Alger, porter à Mac Mahon l’ordre d’embarquer le plus tôt possible les troupes d’Afrique destinées à opérer sur le continent, en lui annonçant qu’il était appelé à prendre le commandement d’une armée ; les troupes les plus éloignées devaient être arrivées à Alger le 18 juillet. En outre, des généraux de l’artillerie et du génie furent chargés d’une inspection confidentielle, c’est-à-dire en habits bourgeois, dans les places du Nord-Est, afin d’être mis on mesure de suppléer aux manquans qui seraient signalés ; tous les généraux de brigade reçurent l’ordre de vérifier si les bureaux de recrutement étaient en mesure d’expédier tout de suite les ordres de rappel ; l’intendant général Blondeau, directeur de l’administration de la Guerre, fut autorisé à dépasser d’un million les crédits alloués pour les services administratifs.


VII

Le 10 juillet, on se croyait généralement placé, par les atermoiemens suspects du roi de Prusse, entre une résignation déshonorante et la bataille. Cette conviction inspira à Thiers une démarche grandement honorable. Il assistait aux séances de la Chambre, très attentif, mais silencieux, recommandant la prudence, sans cependant repousser l’hypothèse de la guerre, car il connaissait trop bien nos intérêts en Espagne pour admettre qu’on y laissât tranquillement s’introniser un prince prussien. Cette éventualité se rapprochant, il eut l’idée patriotique d’offrir son assistance à l’Empereur. Il aurait pu me confier cette bonne pensée et je l’aurais immédiatement introduit à Saint-Cloud. Mais cela lui eût paru trop compromettant. Il eut recours à un biais. Il se rendait tous les dimanches rue de Morny, chez Mme Roger, belle-sœur de Philippe de Massa, jeune officier d’un

  1. Télégramme de Gramont, 11 juillet, 1 heure du matin.